La mondialisation du droit : vers une communauté de valeurs ?

par Mireille Delmas-Marty de l’Académie des sciences morales et politiques
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Juriste, professeur au Collège de France, Mireille Delmas-Marty de l’Académie des sciences morales et politiques s’interroge devant ses confrères de l’Académie, le 7 juillet 2008, sur le rôle du droit dans l’émergence d’une communauté mondiale de valeurs : « Si imparfait soit-il, le droit reste indispensable pour que la communauté née de la mondialisation ne soit pas seulement subie sous l’empire de la peur, mais pensée et construite comme une communauté de destin ».

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : es335
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Le rôle du droit dans l'émergence d'une communauté mondiale de valeur , communication de Mireille Delmas-Marty, 7 juillet 2008

Les recherches de cette spécialiste du droit des droits de l'homme portent sur les contours d'une communauté « mondiale » de valeurs par-delà la diversité des cultures. Qu'est-ce qu'une communauté? Qu'est-ce qu'une société? Aujourd'hui, les interdépendances sont devenues si fortes que les deux catégories sont désormais enchevêtrées. Selon ses propos, la peur des risques planétaires, nucléaires, écologiques ou sanitaires créent une solidarité mondiale que l'on commence à ressentir spontanément, comme habitants de la même planète. « Cette communauté devra marquer le dépassement du relativisme, mais sans pour autant imposer un universalisme uniformisant. C'est peut-être là, dans ce dépassement pluraliste, par-delà le relatif et l'universel que se situe le rôle du droit : si le droit n'est pas créateur de valeurs, il n'est pas neutre pour autant, car il contribue à la fois à nommer les valeurs et à normer les comportements humains par rapport aux valeurs. » Le droit sert de révélateur. Il a ainsi nommé certains comportements tels que les crimes contre l'humanité ou l'égale dignité de tous les êtres humains. Au sein de ce qui pourrait apparaître comme un ensemble cohérent des droits de l'homme, des divisions apparaissent. Dans le désordre du monde juridique, mais pas seulement, le droit est un instrument pour normer les conduites humaines pour les guider et les juger.

Pour Mireille Delmas-Marty, le droit peut-il jouer un rôle pour réduire le désordre et contribuer ainsi à l'émergence d'une communauté mondiale de valeurs? Pour elle, la réponse est à rechercher dans une double perspective : ordonner les valeurs et permettre de juger, donc de responsabiliser les acteurs. Mireille Delmas-Marty, en théoricienne du droit, pose la question fondamentale de la notion de bien publics mondiaux, à travers l'exemple du climat. Elle pointe les risques. Cette question de nature politique, pourrait être traitée par les économistes ou les juristes en l'absence de gouvernement mondial. Comment passer de la recherche de responsabilité de niveau national à une responsabilité de niveau mondial ? Quel contrôle international possible dans un tel cadre? Quel mode de contrôle proposer ? Le dispositif d'observance du protocole de Kyoto fait émerger ce qu'elle appelle « une responsabilité commune mais différenciée ». La responsabilité des entreprises est davantage reconnue, grâce à des codes de conduites tels que les « Principes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises », adoptés en 2003, par les Nations-Unies.

Pour en savoir plus

- Mireille Delmas-Marty, membre de l'Académie des sciences morales et politiques et professeur au Collège de France. Elle occupe la chaire d'Études juridiques comparatives et internationalisation du droit.
- Texte de sa communication sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques.

Écoutez Mireille Delmas-Marty sur Canal Académie, son parcours et son dernier ouvrage :
- « Les forces imaginantes du droit » avec Mireille Delmas-Marty
- La Chine et la démocratie, un livre de Mireille Delmas-Marty

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