L’industrie manufacturière française : par Yvon Gattaz et Bertrand Collomb
La séance de l’Académie des sciences morales et politiques du lundi 22 octobre 2012 revêtait un caractère un peu spécial puisque deux académiciens, Yvon Gattaz et Bertrand Collomb, ont fait ensemble le bilan des "Entretiens de l’Académie" qui s’étaient tenus le matin même à l’Institut sur le thème "L’industrie manufacturière en France". Vous entendrez donc dans cette retransmission la synthèse chiffrée donnée par Yvon Gattaz et la synthèse des interventions des personnalités invitées donnée par Bertrand Collomb : Arnaud Montebourg, Pierre Gattaz, Louis Gallois, Anne Lauvergeon, Xavier Fontanet, Christian Saint-Etienne et Jean-Louis Beffa.
Yvon Gattaz, président de la section Economie politique, statistiques et finances, a proposé, le lundi 22 octobre 2012, dans la série "les Entretiens de l'Académie"une matinée de reflexion sur le thème "L'industrie manufacturière en France". La séance, présidée par Marianne Bastid Bruguière, a permis à plusieurs personnalités de prendre la parole, dont le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg. Puis se sont exprimés successivement Pierre Gattaz, Louis Gallois, Anne Lauvergeon, Xavier Fontanet, Christian Saint-Etienne et Jean-Louis Beffa.
Yvon Gattaz a d'abord rappelé que l'industrie manufacturière représente l'industrie au sens large, moins l'énergie et l'agro-alimentaire, et a donné quelques chiffres indispensables à connaître pour situer la question et, comme il le dit, "planter le décor" :
- L'industrie représente 16% du PIB européen (chiffre faible) et celle de la France, 18 % de ces 16 % (l'Allemagne 24 %). La France a été éliminée du top 20 établi par le World Economic Forum de Davos, après un recul de trois places, passant de la 18 è à la 21 è place en 2011.
- les emplois dans l'industrie représentent en France environ 3.250.000 (contre 7 millions 560 en Allemagne, 4 millions 790 en Italie, et même 3 millions 500 en Pologne...) et beaucoup d'emplois ont été perdus depuis 30 ans (36 % de son effectif entre 1980 et 2010, soit 1,9 millions d'emplois).
- la compétitivité française est mal en point, à cause notamment d'un coût horaire trop élevé (coût moyen horaire 34,60 e contre 31,20 e en Allemagne).
- Lisez en pièce jointe le discours d'introduction à cette journée d'Entretiens prononcé par Yvon Gattaz qui donne plus de détails et de commentaires sur ces chiffres (voir plus bas).
Bertrand Collomb s'est attaché à donner une synthèse de chacune des interventions de la matinée.
- il a commencé par celle du ministre Arnaud Montebourg pour lequel ne plus fabriquer est non seulement un problème d'économie mais surtout un risque de perte de souveraineté ("un produit qui ne produit pas est un pays qui est dans la main des pays qui produisent") . Le ministre a donc insisté sur le rôle du politique , appelant à changer de modèle économique, prônant pour la France un modèle entrepreunarial innovant"patriotique, fondé sur l'estime de soi", remplaçant le modèle anglo-saxon libéral qui a montré ses limites. D'après le ministre, beaucoup de chefs d'entreprise n'approuveraient pas en totalité le modèle libéral... Mais comment financer ce nouveau modèle ? par la banque populaire d'investissement et par le soutien de l'Etat pour de grands projets, de grands programmes. Arnaud Montebourg soutient l'idée d'un choc de compétitivité, mais il appelle à regarder lucidement nos handicaps (le financement de la protection sociale, les trop lourdes règlementations, etc), s'exprimant peu sur la réduction des dépenses d'Etat.
- puis Bertrand Collomb a résumé l'intervention d'Anne Lauvergeon qui, elle, a parlé d'Etat stratège (rappelant 6 grandes stratégies qui furent des succès), insistant sur le refus de céder à la tentation du protectionnisme mais sur la nécessité d'équilibrer les règles d'une certaine ouverture.
- Résumant l'intervention de Xavier Fontanet, Bertrand Collomb a souligné combien les entrepreneurs auraient besoin, en France, d'être estimés, sinon aimés ! Xavier Fontanet a d'ailleurs publié un ouvrage sur ce thème, remettant en cause un faux concept de "justice sociale" qui entraîne un désamour pour ceux qui réussissent.
- Jean-Louis Beffa, pour sa part, a évoqué la balance commerciale, à la fois symptôme et cause de l'affaiblissement économique français.
- Retrouvez ci-dessous le discours d'Yvon Gattaz :