Qu’est-ce qu’une puissance au XXI e siècle ? par Thierry de Montbrial
Le lundi 7 janvier 2013, Thierry de Montbrial, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, directeur général de l’IFRI, a prononcé une communication intitulée « Qu’est-ce qu’une puissance au XXIe siècle ? » Écoutez l’intervention de cet éminent spécialiste des relations internationales.
Cette première séance académique de l'année 2013 est au cœur des questions que souhaite examiner l'Académie sous la direction de son président Bertrand Collomb qui a choisi pour thème annuel de réflexion pour les séances de l'année 2013 : « La France dans le monde ».
Selon ses propos, depuis une dizaine d'années, « la France est interpellée par l'évolution du monde, et semble avoir des difficultés à s'y adapter. C'est aussi sur le plan politique que l'évolution du monde met en cause la position de la France. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, membre du G7 devenu G8, notre pays avait un rôle traditionnel de « grande puissance ». Et sa participation à la construction d'une entité européenne plus ou moins intégrée n'a pas modifié la volonté française de jouer un rôle international mondial et autonome. Devant l'apparition, ou la réapparition sur la scène internationale, de la Chine, de l'Inde et des autres grands pays émergents, que devient cette ambition, et quel peut être le véritable rôle géopolitique de notre pays ?
Les problèmes d'adaptation de la France à une nouvelle situation mondiale vont au-delà des questions économiques ou politiques. Dans tous les cas, nous nous efforcerons, au-delà de la compréhension du passé et du présent, de nous interroger sur l'avenir. En espérant ainsi éclairer un peu, modestement la situation de "La France dans le Monde" ».
Thierry de Montbrial en s'interrogeant sur la définition d'une puissance au XXI e éclaire cette vaste question proposée par son confrère Bertrand Collomb, « La place de la France dans le monde », en définissant le concept de puissance, rappelant combien il pouvait prêter à confusion. Après en avoir donné sa propre définition et distinguer entre pouvoir et puissance : « Le concept de puissance concerne le passage à l'acte. » L'académicien a précisé selon sa propre interprétation des unités actives (une unité active, un État, un gouvernement, par exemple), que sans ressources, il n’y a ni pouvoir ni potentiel. Il a ensuite abordé les notions de soft power, de hard power, de smart power. Après s'être attaché à développer les questions de cyber-pouvoir et de cyber-puissance, Thierry de Montbrial a abordé l'exemple de la puissance militaire. Il a complété ensuite son analyse de la puissance à partir de plusieurs observations sur le système international : multipolaire, hétérogène et complexe.
Deux extraits :
- J’ai défini le pouvoir comme la capacité de mobiliser des ressources dans une direction déterminée. Cette mobilisation et cette direction sont décidées par une Organisation qui elle-même doit souvent être analysée comme une unité active avec sa propre Organisation et ainsi de suite. Un aspect important de cette question est la tendance à l’organisation du pouvoir par ressource, et donc à une forme de séparation des pouvoirs, évidemment différente de celle de Montesquieu. Ainsi parle-t-on couramment de la puissance économique, de la puissance militaire ou du pouvoir culturel. Chaque pouvoir est associé à une catégorie de ressources, mais aussi à une catégorie d’objectifs pensés comme susceptibles d’être atteints par leur mobilisation, à la limite indépendamment des autres ressources. La tendance au fractionnement, qui est liée à la technicité croissante de chaque domaine, ne s’arrête évidemment pas là. En économie, on distinguera par exemple la puissance industrielle et la puissance financière ; dans les armées, entre la puissance terrestre, navale ou aérienne.
- Je crois que cette question de la coordination des pouvoirs, qui touche à la fois au fonctionnement interne des États et aux différents modes de la coopération internationale, donc à la gouvernance mondiale à tous les niveaux, est l’une des plus importantes qui nous soit posée au XXI e siècle. L’enjeu a considérablement augmenté avec l’apparition du cyber-pouvoir, celui-là non spécifiquement militaire. Il s’agit de la capacité, pour toutes sortes d’unités actives, d’agir sur le “cyber-espace’’
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