À M. Haussmann, Charles Cros et Sérénade, Théophile Gautier
À M. Haussmann, Charles Cros.
La maison est démolie,
Le petit nid est en l’air
Où j’eus ton cœur et ta chair,
Ma maîtresse si jolie !...
Je vois toujours dans l’ouest clair
Cette comète abolie.
Tombez pierre, ciment, fer !
L’amour jamais ne s’oublie.
Démolissez les maisons,
Changez le cours des saisons,
Plongez-moi dans l’opulence,
Vous ne pourrez effacer
La trace de son baiser.
Le vrai c’est ce que je pense.
Charles Cros.
Sérénade
Sur le balcon où tu te penches
Je veux monter… efforts perdus !
Il est trop haut, et tes mains blanches
N’atteignent pas mes bras tendus.
Pour déjouer ta duègne avare,
Jette un collier, un ruban d’or ;
Ou des cordes de ta guitare
Tresse une échelle, ou bien encor…
Ôte tes fleurs, défais ton peigne,
Penche sur moi tes cheveux longs,
Torrent de jais dont le flot baigne
Ta jambe ronde et tes talons.
Aidé par cette échelle étrange,
Légèrement je gravirai,
Et jusqu’au ciel, sans être un ange,
Dans les parfums je monterai !
Théophile Gautier.