Montblainville, Charles Vildrac

Robert Werner lit les poètes
Robert WERNER
Avec Robert WERNER
Correspondant

Maison, maison de Montblainville,
Abri d’une nuit frissonnante
Entre les coups de feu du soir et ceux de l’aube !

Tes habitants étaient partis
Mais la vie en toi persistait
Comme la forme et la chaleur
D’un corps au creux d’un lit.

Contre ton âtre ranimé
Je suis resté blotti des heures
Pendant que les autres dormaient.

Je regardais, je regardais
Chaque objet fidèle à sa place ;
J’imaginais toute une vie
Oii je m’étais servi de lui ;

Et j’étreignais de tout mon coeur,
Humble maison de paysan,
Ton vieux bonheur intact encore.

J’avais toujours connu
Tes assiettes sur le mur,
Ta lampe et son abat-jour,
Ton seau de bois et ta huche ;

Et j’écoutais sans m’en lasser le balancier
De la haute horloge sonore
Qui m’assurait avec lenteur
De l’égalité de la nuit.

Maison, maison de Montblainville,
Le lendemain tu flambais toute
Et l’herbe, aujourd’hui, à ta place
Doit recouvrir un éboulis de pierres.

Je pense à ceux qui t’ont perdue
Ceux dont je fus le dernier hôte
Et qu’un autre toit que leur toit
Abrite aujourd’hui quelque part.

Ils ne me connaîtront jamais ;
Et pourtant nous sommes peut-être,
Eux et moi, les seuls au monde
En qui survive ô maison morte
La douce image de ton coeur.

Charles Vildrac, Montblainville

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