Notre Europe, André Pieyre de Mandiargues
Rieuse Europe, Europe trop légère,
Où vas-tu, si nue, sur cette mer troublée,
Comme par le coup d’œil d’un dieu,
Qui eut été jaloux de ton miroir ?
Assise en amazone pour mieux te faire voir,
En quel espace où tant que nul ne sait vas-tu ?
Toi qui tiens à deux mains,
Sans effort que l’on sente,
Le guidon de moto des cornes du taureau,
Où vas-tu, notre Europe ?
Vas-tu mourir au bord où tu seras laissée ?
Europe chérie des peintres et des poètes,
Toi qui pendant plus de vingt-cinq siècles,
Offrit à tes amants beauté si généreuse,
Qu’à flots encore, elle déborde des musées,
Autant que des bibliothèques,
Comme gorge splendide hors du corset défait.
De te défendre, il ne nous semble point que souvent soucis te soient venus,
Ris donc Europe, tant qu’il t’est permis,
Ou galamment souris le plus tard qu’il se puisse,
Emporte nous avec toi sur les eaux,
Nous qui, peut-être, ne sommes rien,
Qu’un faible écho de tes fêtes passées.
André Pieyre de Mandiargues, Notre Europe