Faire de l’économie, est-ce seulement économiser ?
Il peut paraître paradoxal de convoquer la notion de salut à propos de l’économie. L’économie est une pratique matérielle, fondée sur l’échange de biens ; elle ignore donc par principe la transcendance, réduisant toute chose à une marchandise susceptible d’être quantifiée et échangée. L’économie marche avec le concret, le réel, l’effectif. Sans doute est-ce pour cela qu’elle a accompagné le processus occidental de désenchantement du monde, à travers le développement matériel de l’Occident et la diffusion d’un cadre mental fondé sur l’étouffement de la transcendance.
Aujourd’hui, l’individu occidental ne connaît plus que des rapports de consommation dans tous les domaines de son existence et ne sait plus percevoir le monde autrement qu’en le consommant. Nous vivons à une époque où la vérité en soi, qui a dominé pendant tant de siècles la métaphysique occidentale, n’existe plus. Elle est même présentée comme une norme intolérable, une contrainte pesant sur des individus dont la liberté ne saurait se concilier avec l’existence d’une vérité les transcendant.
Toutefois, l’économie contemporaine, dans les moments où elle se dénude, nous rend le service inestimable de voir que le monde n’est pas le simple support de nos désirs narcissiques. Il a une valeur en soi, une vie propre vers laquelle nous devons aller, sans attendre qu’elle vienne à nous pour se soumettre à la mécanique de nos désirs. Ainsi, l’économie contemporaine, dans ces moments de crise, pourrait être cet instrument paradoxal de salut, en nous offrant la possibilité de dévoiler notre nihilisme, cette prison que nous avons construite nous-mêmes, et que nous confondons désormais avec notre conscience.