« La double loi du salut des peuples »
Le débat public semble en Europe ultimement déterminé par ce que gouvernants et opposants disent des moyens, des tendances ou des circonstances qui décident des fins poursuivies dans la vie commune. Qu’elle se réclame de la compétence ou qu’elle exprime des frustrations, la délibération civique s’effectue alors comme si aucune orientation ultime ne pouvait être au moins cherchée pour régler la forme de vie et la marche des peuples. Quand l’écoute civique se fait un peu plus attentive, pourtant, on a l’impression que des divisions plus profondes que nos circonstances, que des désirs plus vastes que nos moyens et nos indignations, imprègnent encore l’expérience collective. On dirait parfois, par exemple, que les uns trouvent sobrement la règle de la réforme sociale dans l’impératif de « sauver » la planète, tandis que d’autres devinent que leurs préférences et leurs passions traduisent confusément la volonté de continuer la vie d’un peuple, l’espoir de « sauver » l’expérience de leur nation. Comme si après tant de siècles, en dépit de nos forces en apparence croissantes, nous avions encore besoin d’examiner ou de nous souvenir de la question du salut.