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« L’invention de l’environnement en géographie »
Yvette Veyret commence en rappelant que les rapports entre nature et sociétés ont toujours été un objet d’étude pour la géographie, bien avant l’apparition du terme « environnement ». Yvette Veyret souligne que la géographie, appuyée par la cartographie, a joué un rôle clé dans la découverte et l’exploitation des territoires, notamment à des fins militaires et coloniales. Au début du XXe siècle, la géographie physique s’affirme, tandis que les études régionales intègrent des données anthropiques (agriculture, industrie, villes) pour mieux comprendre les territoires. Les conceptions des rapports entre nature et société ont évolué au fil du temps. Au XIXe siècle, naît en Allemagne, l’écologie scientifique. Ce n’est que dans la seconde moitié du XXe siècle que l’homme est intégré dans les écosystèmes, mais en en dénonçant exclusivement les méfaits, avec un regain d’intérêt pour les effets de la science et de la technique, souvent considérés comme une « nouvelle barbarie ». Dans l’étude de la relation entre l’homme et la nature, deux visions s’opposent. Le préservationnisme, et le conservationnisme. Après la Seconde Guerre mondiale, l’écologie politique émerge, critiquant les effets des activités humaines sur l’environnement. Yvette Veyret souligne que dans les fondements de la pensée écologiste, existent une constante dénonciation des actions anthropiques perturbant les équilibres naturels et la promotion des politiques de protection de la nature. Elle critique l’écologie politique, souvent exagérée, qui tend à considérer toute action humaine comme nuisible, sans prendre suffisamment en compte les réalités des populations locales, leurs attentes, leurs pratiques et leurs représentations de la nature.
Yvette Veyret souligne que certains géographes ont intégré les rapports entre nature et société dans une géographie devenue science sociale au cours du siècle dernier. Pierre George, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, est l’un des premiers à définir l’environnement en géographie comme un ensemble d’éléments donnés (une montagne, un cours d’eau…), un produit de l’homme et un ensemble perçu. L’environnement résulte ainsi d’une hybridation entre nature et société.
Yvette Veyret souligne qu’il est crucial de ne pas juxtaposer des temporalités naturelles et sociales. Les rythmes de la nature et des sociétés sont différents, et ces dissonances de temporalités sont souvent à l’origine de controverses et de conflits. Il est donc essentiel de les envisager ensemble pour mieux comprendre les enjeux contemporains.
L’environnement est une composante majeure et indispensable de tout aménagement qui impose de définir à un moment donné les perceptions et les attentes des sociétés concernées, les limites et les seuils d’usage des ressources. L’environnement doit être envisagé dans son contexte, économique et politique ainsi que dans son cadre scientifique et technique qui peut contribuer à une meilleure gestion et à un usage raisonné de la nature et des ressources. L’environnement en géographie sait lire l’ampleur et l’importance de certains dysfonctionnements mais sait aussi les replacer à l’échelle voulue, sans dramatisation systématique, généralement contre-productive et sans tomber dans le déni de certaines évidences. Yvette Veyret conclut son discours en reprenant la formule de Jean Tricart : « l’environnement doit aider l’homme à vivre et /ou à mieux vivre ».
À l’issue de sa communication Yvette Veyret a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées P. Delvolvé, Y. Gaudemet, B. Cotte, D. Andler, Th. de Montbrial, T. Fortsakis, J.C. Trichet, S. Sur, G. de Menil, J.C. Casanova, L. Ravel, L. Bély, M. Bastid-Bruguière, J.R. Pitte.