Expériences philosophiques
Barbara Cassin vient de publier une autobiographie philosophique, à la fois légère et profonde. Dans cette promenade intime, de petites phrases tirées du passé donnent l’occasion de haltes méditatives. Elles permettent de comprendre comment l’académicienne a construit sa pensée, pourquoi elle s’est intéressée aux écarts du langage, de quelles rencontres elle s’est nourrie.
« Vous avez les plus belles jambes du monde, vous serez ma femme ou ma maîtresse. Voilà ce qu’est devenu l’amour de ma vie. Moi, épouser un Juif, jamais ! Barbara juive ? Tais-toi donc mon garçon, elle est si
gentille. Avec un instinct sûr, vous choisirez votre siège. Vous prenez votre petit déjeuner à la table de ce nazi ! Comme c’est gentil de me reconnaître, Jacques Lacan. It’s no greek ! Madame, Madame, j’ai
compris l’étymologie de con-cierge. À partir de combien de livres est-on cultivé ? Que pensez-vous de ce que vous voyez ? J’aime quand tu as le corps gai. Arrêtez de le regarder, laissez-le partir…
Ces phrases font passer de l’anecdote à l’idée. Elles sont comme des noms propres qui titrent les souvenirs. Elles fabriquent une autobiographie philosophique, racontée à mon fils Victor et écrite avec lui. En les disant, je comprends pourquoi et comment elles m’ont fait vivre-et-penser. Si dures soient-elles parfois, elles donnent accès à la tonalité du bonheur. »
Présentation de l’éditeur de Le bonheur, sa dent douce à la mort. Autobiographie philosophique, Barbara Cassin, de l’Académie française, Paris, Fayard, 2020.