Philosophie des sciences : Causalité et Hasard
Dans sa nouvelle chronique, Bertrand Saint-Sernin, de l’Académie des sciences morales et politiques, s’intéresse à la causalité et au hasard. Alors que dans une première chronique, il avait étudié les rapports entre nature et artifice, il revient ici sur les notions de causalité. En s’appuyant, entre autres, sur les travaux du mathématicien Cournot, ceux de Pascal et en embrassant des domaines comme la biologie, les mathématiques ou la politique, Bertrand Saint-Sernin soulève la question de la singularité des évènements.
Introduction
"En étudiant les rapports entre nature et artifice, nous avons vu apparaître deux usages de la notion de causalité : 1) l’une touche l’action de l’homme sur la nature (artifice) ; 2) l’autre, les relations entre les choses (nature).
Approche causale de la singularité
Cette distinction se double d’une interrogation : 1) les relations causales atteignent-elles la singularité des événements ? 2) Ou mettent-elles seulement en évidence des rapports généraux entre les choses ? La question est cruciale : en effet, remarque Leibniz, il n’y a pas deux êtres identiques : même les feuilles des arbres diffèrent. Dans ces conditions, il faut savoir si la causalité reconstitue les processus singuliers ou si elle ne porte que sur des faits généraux. Dans le premier cas, on risque de pouvoir tout au plus hasarder la description d’événements non-répétables. Dans le second, une science des relations causales est possible, mais elle manquera la singularité des choses.
Or, dit Aristote, « il n’y a de science que du général ». Dès lors, on est placé devant l’alternative suivante : 1) ou bien les événements sont irréductiblement singuliers : dans ce cas, il n’y en a pas de science ; 2) ou bien ils ont assez de traits communs pour qu’on les regroupe en familles, et une approche causale de la réalité pourra devenir scientifique.
Seule l’expérience nous apprend si, dans un ordre de réalités, on peut former des familles de faits ou non. C’est par l’histoire des sciences que nous découvrons les domaines où il y a des faits répétables.
Partir de la science moderne
Nous nous référons à la science moderne qui se constitue au début du XVIIe siècle : elle incorpore les acquis anciens (arithmétique, géométrie, astronomie géométrique, statique) ; elle les enrichit et les transforme. Quels sont, dans cette « science nouvelle », les faits répétables qui se prêtent à une analyse causale ? Au cours du temps, ces faits se multiplient en mécanique, en chimie, puis au XIXe siècle en biologie et en sociologie. Les classifications des sciences du XIXe siècle ordonnent les réalités qui entrent successivement dans le champ de la science(...)."
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