Histoire de la Bretagne et des Bretons

Un livre de Joël Cornette primé par l’Académie française

L’Histoire de la Bretagne et des Bretons de Joël Cornette a été couronnée du Grand prix d’histoire de l’Académie française 2006. François-Pierre Nizery présente ici les deux tomes de cette fresque monumentale qui montre qu’il existe bien une énigme bretonne et n’hésite pas à s’interroger sur quelques stéréotypes comme la fameuse celtitude bretonne.

Émission proposée par : François-Pierre Nizery
Référence : pag390
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C’est à l’Histoire de la Bretagne et des Bretons qu’est consacrée cette émission à travers l’ouvrage passionnant de Joël Cornette, agrégé d’histoire et professeur à l’Université de Paris VIII, natif de Brest, un ouvrage publié aux éditions du Seuil en 2005 et couronné par le grand prix d’histoire de l’Académie française en 2006.

Dans les deux tomes de cette fresque impressionnante, Joël Cornette nous invite à une exploration minutieuse des multiples chemins, y compris les chemins de traverse, qui font et ont fait l’histoire de ce pays singulier. Les 1233 pages de l’ouvrage fourmillent d’informations de toutes sortes, des plus classiques aux plus inattendues, des informations qui sont autant de pistes à approfondir et dont la lecture, avec ses multiples références à d’autres auteurs, anciens et modernes, suscite la curiosité et le désir de poursuivre le voyage sur d’autres navires, pour mieux comprendre l’âme de ce peuple breton qui est au centre de la démarche de Joël Cornette. Ce dernier n’a, en effet, pas voulu s’en tenir à une histoire événementielle qui ne suffit évidemment pas à éclairer l’énigme de ce peuple. De nombreux chapitres sont consacrés à la vie quotidienne des Bretons à tous les âges, à leur caractère, à leur organisation sociale et économique, à tout ce qui, au fil des siècles, a construit son identité, une identité terriblement complexe, au point que l’exploration de ses ressorts à laquelle se livre Joël Cornette débouche en fin de compte, en conclusion de son ouvrage, sur le constat d’une vérité irréductible : l’énigme bretonne reste une énigme.



Et c’est bien ainsi. Mieux vaut parfois admettre, reconnaître le mystère, s’en imprégner même, plutôt que se laisser prendre au jeu illusoire des stéréotypes qui abondent en ce qui concerne la Bretagne et les Bretons, à commencer par le premier d’entre eux, la fameuse celtitude bretonne, que Joël Cornette invite à considérer avec prudence et qui est à l’origine d’une certaine folklorisation, sans doute excessive, de la culture bretonne.

Tout au long de son ouvrage, Joël Cornette s’attache, très judicieusement, à démonter les mécanismes simplificateurs qui conduisent aux amalgames et aux clichés. Il remplit ainsi pleinement le rôle fondamental de l’historien qui est non pas de rétablir la vérité (car elle n’est pas toujours univoque), mais de mettre en lumière la complexité de l’histoire. Tout l’intérêt de l’ouvrage de Joël Cornette tient dans la prise en compte de cette complexité mais aussi dans le lien qu’il établit entre une simplification excessive de la marque identitaire et toutes ses dérives possibles qui portent en elle la menace, jamais éteinte, du nationalisme ethnique.

Toute l’histoire de la Bretagne, et Joël Cornette l’illustre parfaitement, est faite de brassages et d’antagonismes, de luttes de pouvoir dans, autour et à propos de son territoire, un territoire d’une configuration si particulière qu’il en devient un enjeu stratégique pour tous ses voisins, à toutes les époques de son développement, ce qui exacerbe d’autant plus le besoin intime et irrépressible de se forger une identité qui le met à l’abri, ou du moins ce qu’il considère comme un abri, qui le protège des convoitises de ses prédateurs, qui préserve son indépendance et sa liberté d’être lui-même, cette fidélité à la terre, symbolisée par la figure emblématique d’Anne de Bretagne, la « bonne duchesse en sabots ». Ce désir obstiné (à l’origine du plus célèbre des clichés, celui du Breton têtu) l’est parfois même au risque du recours à des alliances supposées salvatrices mais qui se révèlent souvent captatrices.

L’identité bretonne est marquée par ce va et vient des alliances extérieures. Elle intègre tous les apports extérieurs, y compris ceux qui lui viennent de ses anciennes liaisons commerciales au nord mais aussi en Méditerranée. Il y a évidemment quelque chose de méditerranéen dans la Bretonnité (un comble pour un pays situé au bord de l’Atlantique !). Le Breton porte en lui ces traces venues d’ailleurs, ces rivalités devenues métissages.

C’est tout cela la Bretagne, son identité plurielle, sa diversité toujours aussi actuelle, sa complexité, l’énigme d’une histoire « qui ne peut pas être réduite à des explications simples » selon les mots qui concluent le bel ouvrage de Joël Cornette.


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