Je vous salis ma rue
Les tentes délivrées par Médecins du monde aux SDF, étaient-elles une bonne initiative ? Dans quelle mesure accompagner les sans-abris, sans entrer dans l’assistanat ? Est-ce la rue qui rend fou ou la folie qui mène à la rue ? Suivez la discussion passionnante et animée entre médecins, à partir du livre de la psychanalyste Sylvie Quesemand Zucca "Je vous salis ma rue".
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Le sigle SDF apparaît dès le XIXe siècle sur les registres de police. Aujourd’hui massivement employé en France, il désigne la population sans domicile fixe, et intègre les significations de sans-logis (absence de logement), de sans-abri (victime d’une catastrophe) et de mendiant (qui sollicite dans l’espace public).
L'Insee estime que 86.000 personnes sont sans domicile fixe en France en 2007. Les associations portent ce chiffre à 100.000 personnes. Parmi elles, près de 15.000 vivent en permanence à la rue, selon l'Insee.
Pendant une dizaine d’années la psychanalyste Sylvie Quesemand Zucca a travaillé sur la problématique de la grande exclusion, en collaboration avec Xavier Emmanuelli, médecin fondateur du Samu social. De son travail d’enquête, elle a tiré un livre, Je vous salis ma rue (contrepèterie de Jacques Prévert), qui a fait l’objet d’une discussion animée à l’Académie nationale de médecine, lors de la journée du livre qui s’est déroulée en septembre 2007.
Dans son ouvrage, elle décrit le syndrome «d’asphaltisation», stade ultime de l’aliénation : la personne fait corps avec la rue, devient un mobilier urbain. Il n'existe plus de notion du temps ni d’espace.
Quelle position adopter quant à la méthode de ramassage de force dans la rue ?
Pour Sylvie Quesemand Zucca, chaque situation est différente : les réponses doivent être appropriées face à un SDF atteint d’une psychose depuis des décennies et qui alterne entre rue et hospitalisations, ou un jeune errant, ou encore une femme alcoolisée et/ou battue…
En cela, les méthodes ne doivent pas être «standardisables», et c’est ce qui se passe lors des ramassages par temps de grand froid…
Cette identification à la personne mourant de froid ne doit pas servir pour autant de caution à une politique hygiéniste. Sylvie Quesemand Zucca le reconnaît :«le système est très complexe, il est impossible d’avoir une position uniforme».
Que faire ?
Sylvie Quesemand Zucca croit en la réciprocité sociale. Il faut redonner confiance à ses hommes et femmes sans domicile, les convaincre qu’ils ont leur rôle à jouer dans la société. Cela passe par plusieurs étapes : une réappropriation du corps, la resocialisation au sein d’un groupe, un accompagnement vers un travail…
La psychanalyste l’affirme : « Installer directement des SDF dans des logements dures sans accompagnement personnalisé, ne marche pas ».
Pour ou contre la distribution de tentes par Médecins du monde ?
Donner une tente à un SDF est une « déculpabilisation citoyenne ».
Si ces tentes furent initialement un drapeau d’indignation plus qu’une installation perenne, elles sont pourtant considérées comme de véritables domiciles. En cela, les service sociaux ne peuvent pas venir à leur rencontre en cas de refus.
N’ayant ni égout ni douche, ces tentes finissent par devenir une reconstruction cynique de bidonvilles.
«Cette opération de communication où sont utilisées des personnes en souffrance est très discutable. Elle a néanmoins constitué une force d’interpellation.»
Écoutez le détail des explication de Sylvie Quesemand Zucca, ainsi que de Xavier Emmanuelli. Ils ont répondu aux questions de Marc Gentilini, membre de l’Académie nationale de médecine, ancien président de la Croix rouge, ainsi que de Jacques Battin, également membre de l’Académie nationale de médecine.
Psychiatre et psychanalyste, Sylvie Quesemand Zucca est également l'auteur d'une émission documentaire sur la vie à la rue pour France Culture en 2005 : «Dehors, en attendant demain».