La petite Cour, services et serviteurs à Versailles
L’historienne Claude Dulong-Sainteny commente l’ouvrage "La petite Cour, services et serviteurs à Versailles", de l’historien américain William Ritchey Newton.
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L'auteur de cet ouvrage est un Américain qui s'est spécialisé dans l'histoire de la monarchie française des XVIIe et XVIIIe siècles. Dans ce volume, il expose le fonctionnement de l'énorme machine qu'était la Cour une fois établie et regroupée à Versailles. S'y trouvaient, non seulement la famille du Roi, mais aussi les favorites, les enfants, les petits-enfants, les dignitaires et autres serviteurs nécessaires de l'Aumônerie aux Ecuries.
La plupart des titulaires de charges attachés à la famille royale se voyaient attribuer un logement au sein de Versailles. Cela pouvait aller d'un petit deux pièces jusqu'à «un trou dans le grenier près des toilettes publiques». La recherche d'un meilleur appartement était un souci constant pour les courtisans. Ainsi d'une dame de la cour qui avait la malchance d'habiter près de la Pâtisserie de la Reine:
Il y a deux ans, que la pâtisserie
de la reine a été réparée à neuf. Il y avait une
si prodigieuse quantité de rats sous le pavé
qu'il en fut tué près d'un cent... Le surplus, qui
était considérable, passa dans les autres
offices où ils ont fait leur établissement, de
sorte qu'il faudrait tout remanier pour s'en
débarrasser.
Autre problème: la maladie. Elle peut obliger un membre de la Cour à quitter sa fonction et donc son logement. Ce fut le cas pour la maréchale de Broglie en 1770.
Evidemment, l'auteur n'a pas accompli cet énorme travail de dépouillement d'archives pour l'anecdote mais bien pour montrer que cette coûteuse installation de la Cour à Versailles a été, politiquement, un échec.
Louis XIV n'a jamais oublié l'humiliation subie lorsqu'il dut s'enfuir du Louvre avec sa mère pour échapper aux frondeurs et aboutir à un campement de fortune à Saint-Germain-en-Laye où rien n'était prêt pour les recevoir. Ce souvenir décida Louis XIV à établir la Cour à Versailles pour tenir sous sa coupe les grands seigneurs.
Mais ses successeurs n'auraient pas dû rester à Versailles : la vie intellectuelle était à Paris. Les princes eux mêmes désertaient, non seulement à cause de l'insalubrité des logements, mais parce qu'ils se sentaient coupés du monde réel.
On était loin des mots de Louis XIV, parlant des Grands: «ils ne doivent jamais avoir d'autre retraite que la cour, ni d'autre place de sûreté que dans le cœur de leur frère.»
- Pour en savoir plus:
Claude Dulong Sainteny à l'Académie des sciences morales et politiques.
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