Les opéras de M. de Lully
De 1672 à 1686 Lully donna au théâtre vingt opéras ou intermèdes. Musique, chant, danse, décors, mises en scène, il réglait tout. Il barrait la route à tous ses rivaux potentiels comme Marc-Antoine Charpentier. Mais aucun de ses manuscrits complets n’est parvu jusqu’à nous. En bibliophile averti, Bertrand Galimard Flavigny décrit l’état des partitions de Lully.
_ Lully travaillait volontiers, en revanche, avec le poète Isaac Benserade (1612-1691) qui fut son collaborateur, après avoir été tour à tour le favori de Richelieu, de Mazarin, des grandes dames et des courtisans. Ces derniers étaient alors entichés de concetti.
Lully sut aussi distraire le jeune Louis XIV en composant des récits allégoriques. «Il a compris d’instinct ce dont avait besoin Louis XIV : paraître, briller devant sa cour», nous confiait récemment Jean Gallois, son biographe [[Ed. Papillon, à Genève, 2001]]. Il lui a servi de tremplin. Les deux personnages sont indissociables.
Lully avait un sens politique et diplomatique très aigu. On ne connaît qu’assez peu de choses de Lully. Pas un seul de ses manuscrits complets ne nous est parvenu. Il écrivait la mélodie et le rythme et laissait à son secrétaire Collas, le soin de réaliser l’accompagnement. Non Lully n’était pas un harmoniste mais sur le plan du ballet il a fait merveille. Cet extraverti qui ne se sentait bien que sur une scène, a vraiment créé la tragédie lyrique.
Nous avons eu entre les mains un «Recueil des plus beaux endroits des Opéra de M. de Lully». À savoir : Duo, Trio et Récits chantans, avec la basse continue chiffrée, copies à la main publié à Paris, chez le Sieur Foucault, demeurant rue Saint-Honoré… à l’enseigne de La Règle d’or, sans date (vers 1700) ; en 2 volumes in-folio. Ce manuscrit dont on ne connaît pas le rédacteur serait sans doute, selon Jean Gallois, de la main même de Collas. Les recherches d’Herbert Schneider pour le catalogue de l’œuvre de Lully, qui date de 1981, ont montré qu’il n’existerait, en dehors de cet exemplaire, que quatre complets dans les bibliothèques (trois à la Bibliothèque nationale de France, et un en Suède.
Cet ouvrage renferme les airs chantants, avec accompagnement de basse continue, tirés des grands ouvrages du compositeur. Les treize tragédies lyriques, les deux ballets (Le Triomphe de l’Amour et Le Temple de la Paix) et la pastorale héroïque Acis et Galatée, représentent les œuvres lyriques données à l’Académie Royale de Musique entre 1673 et 1686.
À l’inverse des œuvres lyriques de Lully, qui étaient imprimées chez Ballard, les airs chantants étaient écrits à la main par des copistes employés au service du libraire Foucault, probablement à la demande de riches amateurs.
Les œuvres de Lully furent imprimées pour la plupart séparément. Nous connaissons le Recueil des Opéras mis en musique par M. de Lully…, chez Christophe Ballard, en 1701, en 3 volumes in-4°, à pagination multiple. Ce recueil factice comporte 29 livrets d’opéras édités par Ballard entre 1672 et 1700 et réunis par lui en 1701 avec une page de titre propre et en guise de frontispice, un bois du XVIe siècle, répété dans chaque volume. Cette gravure était utilisée comme marque de la famille Ballard. Les livrets sont de Quinault, Thomas Corneille, Campistron, Houdar de La Motte, Duché, etc.
L’éditeur n’a pas jugé utile de conserver la totalité des frontispices attachés à chaque pièce, comme les feuillets de privilège. Il a, en revanche, ajouté plusieurs planches, comme le portrait de Lully aux tomes I et II, des petites gravures du Carnaval de Venise et du Triomphe des arts au tome III. Il semblerait que le livret de Canente de La Motte, au tome III, ait dû servir pour une représentation car il porte des indications scéniques. Ce recueil unique de l’intégrale des livrets de Lully, conservé dans une bibliothèque privée, est relié aux armes (d’azur à l’étoile d’or, accompagné de 3 croissants d’argent) de Camus de Pontcarré, président à mortier du parlement de Dijon, l’un des plus grands bibliophiles de son temps.
Il existe un autre Recueil général des opéras representé par l’Académie royale de musique, depuis son établissement imprimé à Paris toujours par Christophe Ballard, en 1703, en 7 vol.in-12°. L’opéra français était alors une suite d’airs mis en musique.
Le premier, Pomone, joué en 1671, a été composé sur un livret de Pierre Perrin (1620-1675) avec une musique de Robert Cambert (1628-1677), qui avait été surintendant de la musique d’Anne d’Autriche avant de devenir celui de Charles II d’Angleterre.
Les deux auteurs avaient déjà donné, en 1659, ce que l’on a appelé « la première comédie française en musique », sous le titre de Pastorale.
Perrin obtint dix ans plus tard, le privilège de l’Académie des opéras, valable pour douze ans. Et l’Académie fut inaugurée avec succès en 1671 avec justement Pomone, mais c’était compter sans Lully (1633-1687) qui réussit à s’emparer de la charge de surintendant.
(1) Ed. Papillon, à Genève, 2001
Bertrand Galimard Flavigny est chroniqueur, littéraire et du marché de l’art pour le quotidien juridique "Les petites affiches", et bibliophile pour « La Gazette de l’Hôtel Drouot ». Il est l’auteur d’ouvrages consacrés à l’histoire du livre et aux ordres de chevalerie, notamment l'ordre de Malte. Il tient deux chroniques sur Canal Académie : Le "bibliologue" et "Objets d'art".