Les âges de la vie par Axel Kahn et Yvan Brohard
L’allégorie du sphinx et de l’animal qui se tient sur deux, trois et quatre pattes résume les différents âges de la vie. Yvan Brohard et Axel Kahn, membre de l’Académie des sciences, mettent en commun leurs regards d’historien et de scientifique pour faire le point sur notre société axée sur une jeunesse éternelle. Depuis le Moyen Age, la maternité, l’enfance, la vieillesse et les rites qui les entourent ont véhiculé beaucoup d’images. Tour d’horizon en compagnie des deux auteurs.
Dans la sculpture de Mauro Corda, Le grand cycle de la vie choisie pour illustrer l’ouvrage d’Yvan Brohard et d’Axel Kahn, une fillette succède à une femme âgée ; une manière d’illustrer la succession des générations, « un peu comme le mythe du phénix qui renaîtrait de ces cendres, mais jamais tout fait sous la même forme » rappelle Axel Kahn de l'Académie des sciences; l’enfant qui nous succède est une forme d’immortalité sur lequel on projette nos désirs inassouvis.
La maternité : sacralisée de tout temps
Parmi les chapitres consacrés aux étapes de la vie, celui de la maternité demeure incontournable. Qu’il s’agisse des sociétés premières à nos jours, elle a toujours été sacrée. La statuaire africaine et la vierge à l’enfant sont là pour nous le rappeler.
La photo d’une future mère Himba caressant avec tendresse son ventre arrondi rappelle que les femmes sont à l’origine du monde nous dit Axel Kahn. Et de poursuivre sa réflexion autour de l’égalité homme-femme dans notre société actuelle : « Si aujourd’hui on savait se passer de la maternité féminine pour mettre des enfants au monde grâce à la mise au point d’un utérus artificiel, les femmes pourraient pleinement assumer leur carrière sur le plan professionnel. Cela serait-il une avancée ou une privation inouïe ? » s’interroge-t-il.
Après la naissance, l'enfance.
S’il faut attendre en France le traité de Rousseau pour envisager l’enfant comme tel et non plus comme un adulte miniature, le rôle de l’enfant dans les Provinces-Unies (Pays-Bas) au XVIIe siècle avait beaucoup plus d’impact : « On le voit bien dans les peintures, les enfants montraient les valeurs morales aux adultes. Et les adultes devaient s’assurer d’être un bon modèle. La priorité était de soigner sa progéniture, de l’éduquer pour assurer la génération future et l’entretien du capital de la famille » précise Yvan Brohard.
La vieillesse, notre meilleure ennemie
Parmi les illustrations abondent les photographies de nos aînés aux visages burinés, striés de rides, dégageant tout à la fois douceur et sagesse. Pourtant, aujourd’hui, jamais nous n’avons été aussi déterminés à effacer les marques du temps. « Nous aimerions reproclamer la beauté des rides » s’exclame Yvan Brohard. Même si comme le fait remarquer l’historien, la vieillesse dégageait une ambivalence au Moyen Âge, oscillant entre la sagesse et le mythe de la sorcière ou du libidineux... !
Sommes-nous dans une crise de jeunisme pour fuir la mort ? Axel Kahn remarque en tout cas que d’ici 2020-2030 les plus de 50 ans seront majoritaires dans la société, laquelle paradoxalement se focalise sur une mince partie de la vie où nous sommes beaux, jeunes, séducteurs, producteurs et consommateurs. « L’expérience, la sagesse et la sérénité ne sont plus vraiment valables ».
C’est d’ailleurs le problème que rencontrent les stars, à une toute autre échelle. « Le regard des autres choses changent lorsque nous vieillissons, sauf sur les stars qui brillent toujours par définition. Le pouvoir est un moyen de contrecarrer le temps. Perdre sa popularité, c’est une mort insoutenable pour certains » rappelle le scientifique qui a tenu à faire figurer des portraits de grandes stars américaines comme Rita Hayworth, Elvis Presley ou encore James Dean.
Les rites pour marquer les étapes de la vie
Enfin, qu’ils soient religieux ou civils, la vie est ponctuée de rites (circoncision, mariage, cérémonie funéraire...) Dans les sociétés premières, des marques sont faites sur le corps pour passer d’une étape à une autre, une sorte de mort pour une renaissance. « Il s’agit notamment de passer du stade de l’enfance à celui de l’âge adulte. L’excision et la circoncision par exemple sont des rites de passage où par une dette de sang le garçon ou la fille acquiert son identité d’homme ou de femme » précise Yvan Brohard.
Mais un des premiers rites est peut-être celui du deuil comme le fait remarquer Axel Kahn, afin « de surmonter la mort et la putréfaction des chaires, nous nous sommes mis à penser que la mort allait nous amener à un autre état désirable de l’être ».
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Axel Kahn sur Canal Académie
- Axel Kahn membre de l'Académie des sciences
Axel Kahn, Yvan Brohard, Les Ages de la vie : Mythes, arts, sciences, Editions de la Martinière, 2012.