Les enseignements de Raymond Aron pour nous redonner foi en l’Histoire
L’oeuvre de Raymond Aron, grand penseur français du XXe siècle et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, pourrait-elle nous permettre de retrouver confiance en l’Histoire ? C’est la question qu’abordent Perrine Simon-Nahum, directrice de recherche au CNRS, qui a préfacé la nouvelle édition de Dimensions de la conscience historique, et Damien Le Guay, dans ce second entretien portant sur la figure de Raymond Aron.
_ L’Histoire est aujourd’hui en crise. Pour le dire d’un mot : « nous ne croyons plus en elle » ; et surtout, une sorte de jugement négatif, lié aux différents épisodes de l’Histoire européenne (colonisation, esclavage…), a fini par l’obscurcir. Sans doute est-ce là, aussi, le contrecoup des fureurs sanglantes du XXe siècle, quand l’Histoire s’est installée dans une sorte de nécessité plus puissante que le sort des hommes singuliers. En son nom, tout fut justifié y compris les goulags et les camps de la mort.
Aujourd’hui, l’Histoire est fatiguée. Nous n’avons plus confiance en elle. Nous finissons même par ne plus en avoir conscience, par croire que nous pouvons vivre en dehors d’elle, sans elle, loin d’elle.
Dès lors, comment se redonner une conscience historique ? Comment croire à une Histoire qui soit celle de tous, loin des actuelles fragmentations de l’histoire selon la souffrance particulière de certains groupes ? Comment sortir du piège des multiples procès contre l’Histoire ?
Pour cela, il nous faut comprendre que l’Histoire est (selon le mot de Paul Valéry) « le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré ». Elle est donc dangereuse. C'est un produit élaboré par l’homme pour comprendre ce qu’il vit, ce qu’il est.
Raymond Aron (1905-1983), figure intellectuelle majeure en France, de la seconde moitié du XXe siècle, peut nous aider. En 1961 il publie Dimensions de la conscience historique, livre de réflexion sur ce qu’est l’histoire.
Nous avons demandé à Perrine Simon-Nahum, historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste, entre autres choses, de Raymond Aron (pour avoir justement préfacé la re-publication de Dimensions de la conscience historique), de nous présenter ce livre. Dans un autre entretien, elle nous avait dressé le portrait de cet homme et de son œuvre, lui qui fut aux avant-postes du combat intellectuel pendant trente ans, lui qui réfléchit au monde bipolaire, aux menaces des guerres nucléaires.
Dans cet entretien avec Perinne Simon-Nahum nous préciserons :
- Les conditions de la soutenance de thèse faite par Raymond Aron le 26 mars 1938. Cette thèse donnera lieu à la publication de son Introduction à la philosophie de l’histoire et fera l’objet d’une vive polémique avec les positivistes.
- Comment construisons-nous des ensembles historiques ? Cette construction est une manière pour l’homme d’affirmer sa liberté, de se comprendre en comprenant l’histoire qu’il vit sans toujours le savoir.
- Comment s’élaborent les « causes » historiques ? L’historien est libre d’en choisir certaines et d’en laisser d’autres, de considérer que celles-ci sont plus importantes que celles-là. Cette question était au centre de son livre en 1938.
Damien Le Guay
En savoir plus :
- Retrouvez Damien Le Guay et Perinne Simon-Nahum dans leur première émission consacrée à Raymond Aron : Raymond Aron, un libéral dans une époque dominée par le marxisme.
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