"Les pacifiques" de Félicien Marceau, de l’Académie française, un chef d’oeuvre de jeunesse

Pour son éditeur Bernard de Fallois, tout le talent de Félicien Marceau est déjà là !
Félicien MARCEAU
Avec Félicien MARCEAU de l’Académie française,

Félicien Marceau nous a quittés, le 7 mars 2012. Il entrait dans sa 99 ème année et siégeait à l’Académie française depuis 37 ans où il avait succédé à Marcel Achard. De ses nombreux écrits, romans, essais et pièces de théâtre, nous ne parlerons ici que du tout premier... curieusement resté longtemps inédit et que l’éditeur Bernard de Fallois nous permet de découvrir : un roman intitulé Les pacifiques.

Nous avons joint par téléphone l’éditeur Bernard de Fallois qui vient de publier coup sur coup deux ouvrages de Félicien Marceau :

- Cadavres exquis, paru fin 2011

- Les pacifiques paru début 2012

Il commence par raconter dans quelles conditions il a connu Félicien Marceau : à la demande écrite -pressante pour ne pas dire exigeante- de Roger Nimier, il a lu un premier livre de Félicien Marceau, petit volume intitulé "Capri, petite île"(paru en 1951), immédiatement suivi d'un deuxième "Bergère lègère". Il est entièrement séduit par le style et la pensée de Marceau et demande donc aux éditions Gallimard de le lui faire rencontrer ! Depuis, et durant plus de 60 ans, ils entretiendront des relations d'amitié. Et durant la dernière année de sa vie, Félicien Marceau se heureux de voir publiés chez son ami de Fallois les deux ouvrages qu'il avait laissés de côté : Cadavres exquis (qui avait connu une diffusion confidentielle) et Les pacifiques (qui était resté inédit).





Entre ces deux livres, il existe un lien de sujet et de personnages que Bernard de Fallois précise : le premier se déroule après les événements de Munich, tandis que le second se situe entre la déclaration de la guerre et l'invasion de la Belgique (septembre 1939 - mai 1940). En France, on appelle cette période "la drôle de guerre" alors qu'on aurait pu l'appeler en Belgique "la drôle de paix", le gouvernement belge ayant opté pour la neutralité.

Les pacifiques racontent l’histoire et surtout "les petites histoires" d’un groupe de jeunes intellectuels, belges et étrangers, durant l’année 1939, qui prennent peu à peu conscience du drame qui va s’abattre sur eux et sur leur pays : l’invasion de l’armée allemande et l’exode. Nul dans ce groupe ne croyait à la guerre...




Tout le talent du jeune auteur (il a environ une trentaine d'années au moment où il écrit en 1943) est de nous faire percevoir ce "moment d'hésitation de l'Histoire" en décrivant la crainte, le désarroi, l'incrédulité, l'erreur de jugement de ses personnages qui vivent dans cette ambiance anxieuse . "On peut dire que c'est un document irremplaçable sur cette période pour ceux qui ne l'ont pas connue" affirme notre invité. Voilà, dressé par Marceau, un tableau vivant du premier acte de la Seconde Guerre Mondiale...

- Félicien Marceau, faut-il le rappeler, était né en Belgique, le 16 septembre 1913, à Cortenberg et avait suivi ses études à Louvain. Il a dû quitter la Belgique, s'exiler un moment en Italie, avant de faire le choix de la France. Il est devenu français en 1959. Bernard de Fallois souligne combien il aimait la France dans ce qu'elle avait de meilleur et avait une profonde connaissance de la littérature française.


Epée de Félicien Marceau par Goudji

Dans Les pacifiques, on décèle déjà les qualités littéraires qui feront de Félicien Marceau un auteur mondialement célèbre. On perçoit l'un de ses thèmes favoris, le décalage entre l'individu et le groupe, la méfiance de l'individu envers le groupe -cette difficulté de s'insérer que l'on retrouve dans sa pièce la plus célèbre L'oeuf-. Bernard de Fallois estime que, par tempérament, Marceau aurait été proche de Stendhal et de son culte de l'individualité, mais qu'il était tout aussi proche de Balzac pour lequel il éprouvait aussi une immense admiration et qu'il a contribué à nous faire aimer avec plusieurs de ses ouvrages "Balzac et son monde" (paru en 1955; "les personnages de "la Comédie humaine" (paru en 1977) et avec sa pièce de théâtre "Les secrets de la Comédie humaine". Et tout cela avec une écriture réjouissante où ne manquent jamais l'humour, la finesse, la cocasserie, en un mot l'esprit...




On peut citer la critique de Thierry Maulnier (1909-1988), élu à l'Académie française, en 1964, qui fut l'un des meilleurs critiques littéraires des années 50 :« Une réflexion ironique, mais plus encore tendre, sur les hommes et leur vie, sur leur volonté et leur sort ; le coup d’œil du moraliste et celui du peintre, la connaissance des êtres et l’amour des paysages humains, voilà qui compose un ensemble où transparaît discrètement un homme et où s’impose un écrivain que l’on ne peut confondre avec aucun autre».

Quelques phrases en extraits :

- "Bien sûr, ce n'était pas la guerre encore mais, dans le regard que levaient les femmes vers les hommes, il y avait déjà la peur. Les apparences de la guerre, c'est déjà la guerre, tous les raisonnements du monde n'y pourront jamais rien" (p.68)

-"L'esthétique du dépouillé, c'est l'excuse que se créent les époques pauvres. On n'a plus que quoi dorer, alors on crée une esthétique du bois blanc..."

- " Il y a plus de mères qu'on ne le croit qui se résignent à l'inconduite de leur fille... La vie est faite de beaucoup d'indulgences..."



- Ecoutez les dernières interviews que Félicien Marceau a accordées, c’était en 2007, sur Canal Académie, à notre collaboratrice Elizabeth Antébi…

- Félicien Marceau(1913-2012), de l’Académie française : le « fils adopté »

- Guitry en trois mots, par Félicien Marceau, de l’Académie française


- Consultez la fiche de Félicien Marceau sur le site de l'Académie française


- Avec l'orfèvre Goudji, écoutez : Goudji et les épées d’académiciens

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