Les passions de Michel Déon, de l’Académie française : lecture, écriture, peinture... et quelques autres aussi !
Trois publications en même temps ! Quelle actualité pour Michel Déon, de l’Académie française, en cet automne 2009. Une bonne occasion de l’écouter parler de ce qui le passionne, l’écriture et la lecture bien sûr mais aussi la peinture, les voyages, les amis... Michel Déon, ou comment travailler pour embellir la vie !
Trois livres placent Michel Déon, de l'Académie française, au sommet de l'affiche éditoriale de cet automne 2009 :
- Lettres de château, paru chez Gallimard
- Journal 1947-1983, paru aux éditions de l'Herne
- Cahier de l'Herne Déon
(...)"Si j'ai touché à presque tous les domaines littéraires, romans, récits, théâtre, scénarii, ce ne fut pas vraiment volontaire mais selon les circonstances de ma vie. Pour le théâtre, par exemple, j'avais rencontré des comédiens dans le Lot, dont l'esprit chaleureux et enthousiaste a fini par me faire accepter d'écrire une pièce. La plupart des événements de ma vie ont été provoqués par des rencontres. Je me suis arrêté dans beaucoup d'endroits, et chaque fois, cela provoquait une commotion qui, en réaction, a donné des récits, des romans ou des pièces (par exemple j'ai écrit "Ariane à Naxos" parce que j'ai vécu dans cette île).
(...)"Ma vie a été très dispersée, Dieu merci".
(...)"Mon premier roman : Adieu à Sheila, paru en 1944 et mon dernier paru : Lettres de château. ont-ils des points communs ? La grande différence, c'est qu'entre les deux, j'ai appris le métier ! L'Adieu à Sheila était un livre de jeune homme, -je crois que j'étais encore à l'armée-, ce n'était pas pas un ouvrage définitif, seulement une mise en route. Mais j'ai tout de même réussi, en septembre 44, à trouver un éditeur et quelques lecteurs !"
La passion d'écrire, la passion de lire
(...)"La lecture a beaucoup enrichi ma vie et comme j'ai beaucoup d'imagination, je me laisse facilement attirer par l'imaginaire des romans. Et souvent, je suis allé, sur place, vérifier les lieux... "
(...)"Il est vrai que les deux romans Robinson Crusoë et l'Ile mystérieuse m'ont fortement marqué ; mon père qui voulait m'ouvrir l'esprit me les avait offerts. La lecture provoquait de multiples questions chez l'enfant que j'étais, celle des romanciers américains notamment London, Man Ray (une passion !), Stevenson (naturellement !)"
Les Hussards
(...)Nimier, Laurent, Blondin, Déon : les Hussards. "Il n'y avait pas à proprement parler d'esprit hussard, c'est une invention de la critique, il y avait des affinités et une grande camaraderie au début... mais tous ne s'aimaient pas de même amour !"
Et Giono
(...)"Mon admiration pour Giono est née par hasard, lorsque j'avais 13 ou 14 ans. Je voulais faire un cadeau à ma mère et un libraire m'a conseillé Giono. Je l'ai lu avant de le lui offrir. Et j'ai été fasciné. Notamment par le talent de Giono pour personnifier la nature. Avec lui, les arbres gémissent, les pierres se parlent. Je l'ai lu toute ma vie, je le lis encore. C'est un vivier, un grand verre d'eau pour qui a soif... Il a su rendre la Provence universelle comme Homère a su le faire pour la Grèce. Mais quand je suis allé à Manosque, j'ai trouvé les lieux fort différents ! Le vrai Manosque, c'est celui décrit par Giono mais il n'existe pas... ou plus. Et j'ai eu la chance de passer 24 h dans sa maison... c'était pour moi comme aller au paradis !".
Les pleurs d'Anouilh
(...)"Oui, c'est vrai, Jean Anouilh m'a adressé, en 1962, une lettre pour me dire que ma pièce dramatique pour la radio "La mort de Monseigneur" (le Dauphin), avec Michel Bouquet et Jean Topart, lui avait arraché des larmes... "
La passion de la peinture
(...)"Trois peintres, Poussin avec son Orphée, Manet avec son Déjeuner sur l'herbe et Braque avec ses sublimes vitraux de Varengeville, ont su me faire devenir sensible à ce que les couleurs peuvent apporter à l'existence. Et la peinture est souvent présente dans mes romans. Je sais que j'étais tombé amoureux d'une Madone, celle du Palais Pitti à Florence. A chacun de mes passages, je ne manquais pas de lui rendre visite quelques mintues".
L'amitié
(...)"Oui, elle tient une place essentielle dans ma vie. On peut prendre des distances sans jamais renier personne. On m'a reproché mon attitude envers Blondin mais c'est que, à la fin de sa vie, je ne pouvais pas supporter de voir dans quel état il était, cela me blessait, me faisait une telle peine que je préférais ne plus le voir. Mon chagrin venait de ce que je ne pouvais rien faire pour lui".
Racines culturelles
(...)"Je suis allé chercher tout ce qui me faisait un peu plus aimer la France. L'Europe ? Donnons-lui du temps, elle ne peut pas se faire d'un coup de plume. Et n'oublions pas qu'elle a connu non pas une guerre mais une guerre civile, car telle était la dernière guerre".
(...)"Sur mon épée, trois signes, le lys en évocation de la France ; le trèfle pour l'Irlande ; la chouette pour la Grèce".
(...)"Comment atteindre le coeur d'un pays ? Je ne voyage pas pour me déplacer mais pour vivre. Ainsi, quand j'ai découvert Cintra au Portugal, j'y suis resté ! Je suis peut-être en effet "un sédentaire des îles" ! "
Maurras et l'histoire
(...)"J'ai travaillé quelque temps avec Maurras -et cela n'a pas été un handicap pour moi après la guerre mais vous avez raison de rappeler e que certains aspects de sa pensée peuvent avoir d'inadmissible. Cependant, il m'a donné une meilleure conception de l'Histoire, qu'il tenait d'ailleurs de Jacques Bainville dont l'intelligence était prophétique et la lucidité extraordinaire. De Maurras, je pourrais dire qu'il est au sens étymologique du mot "républicain", de res- publica. Et pourtant, on le sait, il était monarchique. Il a senti que la France devait conserver le respect des valeurs et du bon sens international -et la monarchie à ses yeux possédait ce bon sens à cause des relations entre les familles royales".
Aujourd'hui, la société
(...)"Ce qui me frappe dans la société aujourd'hui ? Sûrement la déperdition du langage, la violence (il y en a toujours eu mais elle devient un danger permanent), et surtout la dérision, la grossièreté avec laquelle on brocarde les hommes politiques, sans l'ombre d'un respect".
Un "mystère Déon" ?
(...)"Pas de mystère ! le Déon qui compte le plus, c'est celui qui a travaillé et produit un certain nombre de choses ! Dans Lettres de château, je m'adresse à tous ces auteurs qui ont embelli ma vie ; je pourrais allonger la liste. Quant au roman de moi que je préfère, peut-être La montée du soir...
Et pour terminer, Michel Déon, à la demande de notre collaborateur, raconte l'épisode de Nausicaa, dans l'Iliade, le texte qu'il aimerait garder s'il ne devait en conserver qu'un seul ! Michel Déon se fait, pour notre grand plaisir, conteur !
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