Figaro Hors-Série : Woody Allen
Vincent Trémolet de Villers, membre de la rédaction du Figaro Hors-série nous présente le numéro consacré à Woody Allen, membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts depuis 2004.
_ Extrait de l'éditorial de Michel de Jaeghere
«C'est la paire de lunettes la plus célèbre de l'histoire du cinéma. Le patient le plus assidu de tous les cabinets de psychanalyse. Le bavard le plus impénitent du septième art. Le dépressif le plus savoureux de la comédie contemporaine. Il s'est étendu sur des canapés innombrables. Il nous a confié les secrets de sa petite enfance. Il a livré les ressorts de ses désarrois amoureux. Il a mangé chinois, indien, pakistanais dans tout ce que New York compte de restaurants. Il s'est cru atteint de toutes les maladies qu'ait pu imaginer l'hypocondrie la plus galopante... Il a comparé les mérites de Shakespeare, Nietzsche et Dostoïevski avec ceux de Groucho Marx. Il a condamné Wagner et la musique punk. Il nous a épuisé de ses gags, de sa loufoquerie, de sa névrose. Il a fait de ses déboires conjugaux la matière d'une épopée sentimentale. Il a filmé Manhattan comme personne.
«On a longtemps considéré Woody Allen comme un clown, un Louis de Funès new-yorkais. Il s'est imposé, en près de quarante films, comme l'une des figures centrales de la création contemporaine. On peut, tant qu'on voudra, considérer que ses productions sont d'une qualité inégale. Qu'il lui est arrivé plus d'une fois de se laisser aller à la pochade, de donner libre cours à un vain bavardage. Par leur profusion, comme par leur variété, ses films n'en forment pas moins un univers, une oeuvre sans pareille...
«Le paradoxe est que Woody Allen aura incarné, aux yeux d'une partie de son public, l'Artiste Américain, quand ses films auront dessiné une satire à l'eau-forte des valeurs de l'Amérique et de la société marchande; qu'il passe pour l'archétype de l'intellectuel de gauche, alors que toute son oeuvre est une charge contre les ridicules de l'intelligentsia bien-pensante. Il est devenu l'icône des bobos dont il a porté la vie à l'écran, alors même qu'il ne les avait mis en scène que pour en faire la cible d'un impitoyable jeu de massacre. Le malentendu qui l'entoure est en quelque sorte résumé par cette exclamation lancée avec admiration par l'un de ses fans dans Stardust Memories :
- Vous êtes tellement dégénéré !
- Merci beaucoup.
«On a pris Woody Allen pour un amuseur parce qu'il excellait à la caricature. On est passé à côté d'un moraliste désespéré qui n'avait choisi de nous faire rire du monde dans lequel il faut vivre que pour nous viter d'avoir à en pleurer.»
Sommaire
- Une journée à Manhattan
- Profil d'une oeuvre
- Woody Allen dans tous ses états
- Tout le monde dit I Love Him
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