L’Italie de Dominique Fernandez de Pise à Naples
L’émission Au Fil des Pages vous propose de découvrir "l’Italie" de Dominique Fernandez de Pise à Naples, autour de son roman Pise 1951 et autour de son livre de voyage sur Naples accompagné des photographies de Ferrante Ferranti : entre une Italie qui a disparu à jamais, celle de Pise en 1951 et la vitalité de Naples, envoûtante et mystérieuse, l’anti carte -postale, une ville d’odeurs, de bruits, de sensations, d’émotions. Un moment inoubliable à partager avec Dominique Fernandez, de l’Académie française.
L’académicien né en 1929, ancien élève de l'École normale supérieure et agrégé d'italien (1955) fut professeur à l’Institut Français de Naples, en 1957. Après une thèse sur L’Échec de Pavese, il fut nommé professeur d’italien à l’université de Haute-Bretagne et mena une carrière d’écrivain et de critique littéraire.
En 1974, le grand public le découvre avec son roman Porporino ou les Mystères de Naples couronné par le Prix Médicis.
D’autres livres, des récits de voyages, d’autres romans, le Prix Goncourt pour La main de l’Ange, et un Dictionnaire amoureux de l'Italie en 2 volumes. D'autres ouvrages ont suivi et d’autres probablement suivront en lien avec ce pays si proche, l’Italie.
Qu’a-t-il réservé à ses lecteurs pour cette année 2011 concernant l’Italie ?
Avec Pise 1951, Dominique Fernandez conduit le lecteur dans l’Italie des années cinquante à travers une belle histoire d’amitié et d’amour.
Deux étudiants parisiens, Robert Colinet, le narrateur, et Octave Thorel, deux camarades de lycées, arrivent à Pise pour une année d’études. Le roman en dit autant sur l’Italie que sur la France de ces années d’après-guerre où la vie était rude et la chape de plomb étouffante sur la jeunesse.
Un roman sur l’état d’esprit de ces années, leur conformisme et l’éclat d’une jeunesse en proie à la découverte de l’amour.
Scuola, Casa, Chiesa, 3 mots, trois actes, trois parties pour ce livre, pour une histoire d’amour entre trois personnages, trois destins, deux jeunes garçons et une jeune fille…
Alors que Pise 1951 dresse le portrait d’une Italie qui n’est plus, engloutie sous les coups de boutoir de la modernité, l’autre livre de Dominique Fernandez, sobrement intitulé Naples et formidablement illustré par les photographies de son complice Ferrante Ferranti, nous guide à travers une ville éternelle, habituel surnom de Rome. Dominique Fernandez l’affirme avec éclat : « Naples n’a pas changé. En cinquante ans, je ne l’ai pas vue changer », avant d’ajouter : « À l’heure où la mondialisation transforme Venise, Florence, Rome en réserves du tourisme international et banalise les plus beaux décors urbains, Naples résiste, Naples garde son caractère intact, Naples reste elle-même, avec ses défauts et ses qualités ». Après tout, Cocteau, cité par Fernandez, ne disait-il pas déjà en son temps : « Le pape est à Rome, mais Dieu est à Naples » ?
Pour l’académicien, ce livre témoigne de son attachement à cette ville de paradoxes, où il aime revenir souvent et qui lui a inspiré certains de ses ouvrages. N’a-t-il pas débuté sa carrière de professeur d'Italien à l’Institut français de Naples ? C’était en 1957, Dominique Fernandez avait 28 ans. En 1974, il publie Porporino ou les Mystères de Naples, roman dans lequel il ressuscite l’univers des castrats napolitains à la fin du XVIIIe siècle. Il s'y ressource « au contact d'une civilisation magnifique et d'une surabondance de vitalité populaire ».
Ce qui rend cette ville si aimable aux yeux de Dominique Fernandez, c’est la gentillesse des Napolitains. « La dernière fois que j’y suis allé, l’an dernier, je voulais retourner au musée Capodimonte, situé à l’extérieur de la ville. Je demande à quatre femmes qui étaient là quel bus faut-il prendre pour s’y rendre. Eh bien, elles se sont mises à se disputer frénétiquement, l’une assurant que c’était le 106, l’autre le 403 ! Et finalement, l’une d’entre elles m’a accompagné – c’est très loin, il y a une demi-heure de bus – et une fois arrivés là-haut, elle m’a dit prenez à droite, puis à gauche, etc. A Naples, on se bat pour vous indiquer votre chemin ! »
« C’est très difficile de rendre la vie de Naples en littérature. C’est une ville en perpétuel mouvement. C’est pour cela que le grand moyen d’expression, le grand véhicule culturel, c’est la musique, le chant et l’opéra, avec le San Carlo, qui est la plus belle salle d’opéra du monde, sans oublier le théâtre d’Eduardo De Filippo . »
Le texte de Dominique Fernandez pimenté d'humour et d'admiration pour la napolitude est admirablement accompagné par les clichés de Ferrante Ferranti, photographe indépendant. Ses photographies donnent à voir des lieux nobles, tel que le plafond de l’ancien réfectoire de Sant’Anna dei Lombardi peint par Vasari entre 1544 et 1545 (p.92-93), et des lieux populaires, comme cette fresque inspirée par Guernica de Picasso sur le Vico San Nicola a Nilo (p.79).
Parmi les 200 photographies sélectionnées par Ferranti, Eclat de soleil, la photo du Christ mort, bas-relief attribué à Diego de Siloé (vers 1516) dans la chapelle Caracciolo di Vico de San Giovanni a Carbonara (p. 185), se détache dans la pénombre. Lumière naturelle ou noir et blanc ?
Du théâtre à la mythologie, en passant par le sexe, l’histoire, la musique, la psychologie, ce très beau livre aborde tous les mystères de Naples, il en révèle toute la beauté visible et cachée, dans une formidable complémentarité, à l'origine non recherchée, entre le texte de Dominique Fernandez et les photographies de Ferrante Ferranti.
Pour en savoir plus
- Dominique Fernandez, sur le site de l'Académie française
- Dominique Fernandez, Ferrante Ferranti, Naples , Imprimerie nationale, 2011, 240 pages
- Dominique Fernandez, Pise 1951 , Grasset, 2010, 335 pages.
- Sur Canal Académie, vous pouvez écouter une quinzaine d'émissions avec Dominique Fernandez.