Max Gallo : 1940, de l’abîme à l’espérance

Entretien avec Jacques Paugam sur l’année la plus pénible de notre histoire.
Avec Jacques Paugam
journaliste

L’historien et romancier Max Gallo, de l’Académie française, présente ici, à l’occasion du 70e anniversaire de la Débâcle, son dernier ouvrage consacré à l’Année terrible 1940 : douze mois décisifs, douloureux et finalement méconnus, de la « drôle de guerre » à « l’étrange défaite », puis « de l’abîme à l’espérance », avec à la clé un récit révélateur et sans fioritures. Il est l’invité de Jacques Paugam.

Émission proposée par : Jacques Paugam
Référence : pag755
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Avec 1940, de l’abîme à l’espérance (Éditions XO), la plume sobre et vibrante de Max Gallo s’attaque à ce qui a peut-être été l’année la plus pénible de notre histoire.

Cramponnée à un pacifisme forcené, stigmate des traumas de la Première Guerre mondiale, la France ne voulait pas de la guerre. Elle lui est tombée dessus par la force de l’Histoire, de façon étrange d’abord, avec ces mois d’attente interminable qui suivent la déclaration de guerre, traquenard d’Adolf Hitler pour assoupir les Alliés ; puis de la façon la plus brutale qui soit, en plein mois de mai, avec la « guerre-éclair » qui met à genoux une des premières armées du monde en l’espace de six semaines.

Contrairement à une idée reçue, le matériel a été abondant, de qualité, les soldats souvent héroïques et la lutte brève mais acharnée : 30 000 morts côté allemand, presque 100 000 côté français, ce n’est pas ce qu’on peut appeler une promenade de santé. Mais l’État-major n’est plus de ce temps. Gamelin (67 ans), Weygand (73 ans), sans parler de Pétain (84 ans) sont des hommes du XIXe siècle ; or, on n’est plus face aux « boches », mais face aux nazis ; on n’est plus face à Guillaume II, mais face à Hitler ; et la forêt des Ardennes n’est pas infranchissable. On ne veut pas croire les pilotes de reconnaissance qui aperçoivent, sur des dizaines de kilomètres, foncer les panzerdivisions sur la route et les stukas dans les airs.

Tout s’enchaîne à une vitesse inouïe. Trois jours seulement après le lancement de la Bataille de France, Sedan tombe aux mains ennemies (13 mai), événement symbolique s’il en est dans la longue rivalité franco-allemande. Le 14 juin, Paris, vidé de sa population, capitule sans combattre pour éviter la destruction. Le 16, le président du conseil Paul Reynaud démissionne. Le 17, la voix chevrotante de Philippe Pétain résonne dans les TSF : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser les combats ». Les soldats le prennent au mot. Dès lors, l’armistice du 22 juin, cérémonial soigneusement organisé par Hitler au même endroit que celui de 1918, n’est plus qu’une formalité.

Le 10 juillet, la IIIe République s’effondre définitivement : « Liberté, Égalité, Fraternité » deviennent « Travail, Famille, Patrie ». Dans la division généralisée des familles politiques et le désarroi, l’agonie du régime met en lumière les faillites de ses institutions et l’instabilité de son exécutif, dont les membres profitent de la débâcle pour régler leurs comptes. Entre-temps, De Gaulle a répondu à Pétain, en opposition au vieux maréchal, à l’arrêt des combats, à l’armistice. « La flamme de la Résistance française », clame-t-il, « ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ». Il est légitimé par Winston Churchill le 28 juin en tant que leader des forces françaises libres.

Août. La bataille a traversé la Manche. Le patriotisme profond et instinctif du peuple britannique, l’héroïsme et le talent des pilotes de Spitfire, la rageuse détermination de Churchill jouent un rôle capital dans le basculement de la guerre. En France, le gouvernement habille ses humiliations de pragmatisme : l’Allemagne a déjà triomphé, il faut donc en devenir le meilleur vassal par la collaboration, sans pour autant attaquer l’Angleterre. Mais les restrictions arrivent : les Allemands exigent une indemnité d’occupation considérable, le pays est peu à peu pillé et l’injustice gronde dans les profondeurs de la population.

Puis, « à l’automne, au fond de l’abîme, la France se redresse ». Le 11 novembre au petit matin, un cortège de Parisiens apparaît sur les Champs-Élysées et s’en va déposer des fleurs sous la statue de Clemenceau. Une manifestation étudiante prend forme à la Place de l’Étoile ; les Allemands tirent sur la foule, mais le ressort patriotique est bien retendu : « l’espérance » refleurit au fond même du gouffre.

L’année 1940, par sa mise en évidence des terribles faillites de la IIIe République, illustre une idée chère à Max Gallo : « Nous sommes une société fragile […]. La vie démocratique est une mince couche superficielle au-dessus d’un océan violent, et la violence de l’océan peut toujours resurgir avec force ». À nous de veiller à ne plus boire la tasse.


En savoir plus :

Consulter la fiche de Max Gallo sur le site de l'Académie française

À écouter aussi : L’Essentiel avec... Max Gallo, de l’Académie française

Et à l'occasion du 70e anniversaire de l'Année terrible :

L’armistice du 22 juin 1940 par Henri Amouroux

Le Mythe de la guerre-éclair : La Campagne de l’Ouest de 1940

Les armistices de juin 1940

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