Mort à l’ancienne et pratiques nouvelles : la mort est-elle aujourd’hui malade ?
La mort est-elle aujourd’hui malade ? Différentes évolutions sont intervenues depuis peu de temps, à l’échelle de l’histoire des mentalités. Personne mieux que Patrick Baudry, sociologue, spécialiste de ces questions, ne peut mettre en perspective ces évolutions et nous mettre en garde contre certaines d’elles.
Que constatons-nous en ce qui concerne les rites mortuaires ? « Une rupture inouïe », nous dit l’historien Philippe Ariès, une mort « ensauvagée », une « solitude des mourants » confirme Norbert Élias. La « belle mort » d’autrefois, accompagnée de « pompes funèbres », n’est plus.
Des mutations importantes sont apparues :
- Montée en puissance de la crémation
- Embellissement des corps – avec la pratique, dans 60 % des cas, de la thanatopraxie
- Importance des soins palliatifs
- Nouvelles ritualités qui apparaissent
Mais en même temps, les Français sont attachés aux rites mortuaires : 69 % d’entre eux les jugent « nécessaires ».
La « déconstruction de la mort à l’ancienne » semble terminée avec l’apparition de nouvelles constructions rituelles et de « bricolages » d’accompagnement.
Est-ce à dire que nous en revenons à la « mort d’antan » ? Faisons-nous du neuf avec de l’ancien ? Sommes-nous en train d’inventer de nouveaux « rites » ? Lesquels ?
Toutes ces questions nous les posons à Patrick Baudry. Il est, en France, le sociologue de la mort. Professeur de sociologie à l’université Michel-de-Montaigne de Bordeaux, il est, entre autres, l’auteur de La place des morts, en jeux et rites (Armand Colin, 1999). Patrick Baudry adopte une position critique vis-à-vis de certaines pratiques nouvelles. Pour d’autres sociologues, dont Danielle Hervieu-Léger, les pratiques rituelles ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles sont. Patrick Baudry, lui, pense que les nouveaux « idéaux de la mort moderne » affectent les frontières entre les vivants et les morts. Dès lors, pense-t-il, si « la place des morts » est incertaine, la « place des vivants » elle aussi devient incertaine. Il faut donc penser les deux « places » l’une par rapport à l’autre.
En savoir plus :
Patrick Baudry est professeur de sociologie à l'université Michel-de-Montaigne Bordeaux III. Il dirige dans le cadre du Centre d'études des médias le Groupe de recherches et d'études « Communication, Image, Territoires » (GRECIT/CEM). Chercheur associé au LAIOS (CNRS Paris), il est président d'honneur et membre du comité de rédaction de la revue Le Passant Ordinaire. Il est l'auteur de nombreux ouvrages :
- La place du mourant dans Le mourant, M-EDITER, 2006
- Violences invisibles, Les Éditions du Passant Ordinaire, 2004
- Le deuil impossible, Eshel, 2001
- Souffrances et violences à l’adolescence, ESF, 2000
- La place des morts, Armand Colin, 1999
- La pornographie et ses images, Armand Colin, 1997
2e édition Press-Pocket, 2001
- Le corps extrême, L’Harmattan, 1991
- Une sociologie du tragique, Cerf, Paris, 1986
- Allocution de Patrick Baudry relative aux droits des malades et à la fin de vie