Qu’est-ce que le vivant ? d’Alain Prochiantz

Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences
Alain PROCHIANTZ
Avec Alain PROCHIANTZ
Membre de l'Académie des sciences

« Aller au zoo, c’est un peu rendre visite à la famille ». Le morphogénéticien Alain Prochiantz a toujours eu l’art de la formule pour accrocher ses lecteurs ! Dans son essai Qu’est-ce que le vivant ?, il développe à la fois les similitudes et les différences entre les espèces, l’imago et l’individuation. Pourquoi l’homme n’a-t-il pas conservé la capacité de régénérer des organes comme les salamandres ou les hydres ? Pourquoi les chimpanzés n’ont-ils pas développé leur propre culture ? Réponses en compagnie de l’académicien des sciences.

Dans son essai, Alain Prochiantz nous livre à la fois une réflexion scientifique et philosophique autour de l’instabilité de toute structure vivante, qui se modifie en permanence sans que nous nous en apercevions. Il s’agit d’une « embryogénèse silencieuse » comme le décrivait à l’époque Claude Bernard[[Claude Bernard, physiologiste, était membre de l'Académie des sciences, de l'Académie française, professeur au Collège de France et au Museum national d'histoire naturelle]]. A chaque instant le vivant se construit et se détruit, des cellules se renouvèlent tandis que d’autres meurent ; une conception moderne que l’on redécouvre aujourd’hui avec le pouvoir des cellules souches. Il en est de même pour la plasticité du cerveau qui évolue selon l’apprentissage : rien n’est fixe. Pour l’académicien, matérialiste revendiqué, le vivant est matière ordonnée et désordonnée.

C’est la raison pour laquelle Alain Prochaintz fustigent les militants qui n'auraient pas réfléchi à la question même du vivant et à ses évolutions permanentes : « Ceux qui encouragent à saccager les expériences sur les OGM ou militent pour l’interdiction de l’expérimentation animale donnent un parfait exemple du niveau d’extrémisme auquel inculture et fanatisme peuvent mener des individus...D’où la nécessité de s’expliquer sur le biologique afin d’éclairer les débats. Ce livre est destiné à tous les démocrates » commente-t-il.

Nous sommes à la fois semblables et différents. On distingue en effet l’imago (qui correspond à la forme générale de l’espèce) de l’individuation (qui prend forme sur le plan développemental). « Paul et Mohamed sont à la fois semblables et différents, semblables parce qu’ils sont tous les deux des hommes, et différents car leur environnement n’est pas le même. Ce processus d’individuation est très fort chez Sapiens ». Car contrairement à d’autres espèces, le cerveau humain demeure en construction tout au long de l’enfance, en apprentissage permanent en interaction avec le milieu.

Mais ce renouvèlement cellulaire, cette plasticité chez l’homme a aussi ses limites. Coupez le cerveau d’un humain en deux, il ne repousse pas alors que l’inverse est vrai chez le poisson. Il en est de même pour les hydres et salamandres capables de reconstruire des organes.
Comment expliquer que Sapiens ait perdu cette capacité à se régénérer alors que nos lointains cousins l'aient conservée ?
Pour Alain Prochiantz « nous avons perdu cette régénération de l’organe au profit d’un gain énorme, celui de développer une culture. Mais en même temps, je peux tout perdre si j’ai un AVC. Notre cerveau est bizarre pour des primates : nous avons perdu notre sens de l’olfaction surdéveloppé ainsi que notre ouïe, sans pour autant voir diminuer la taille de notre cerveau. Nous avons 900cm3e trop, sans doute ce qui fait les poètes, les artistes, les suicidés... ! »

Ecoutez Alain Prochiantz au cours de cette émission présenter son ouvrage et revenir sur son intérêts pour les maladies psychiatriques et son approche développemental, thème de ses cours au Collège de France.

Alain Prochiantz est neurobiologiste, morphogénéticien, membre de l’académie des sciences, professeur au Collège de France.

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- Alain Prochiantz, membre de l'Académie des sciences


Alain Prochiantz, Qu'est-ce que le vivant ?, éditions du Seuil, 2012

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