Seuls les enfants savent lire
En se fondant seulement sur ses souvenirs, Michel Zink retrouve les impressions produites par les livres lus durant son enfance, les pensées, les émotions qu’ils procuraient. L’amour des livres est un amour d’enfance : la preuve avec Michel Zink, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, professeur au Collège de France.
C’est la manière dont les enfants lisent qui est évoquée dans cette émission grâce au livre que Michel Zink vient de publier en ce début d’année 2009, Seuls les enfants savent lire aux éditions Tallandier. Un livre un peu narcissique, il en convient, puisqu'en tant qu'adulte, il tente de retrouver les impressions qu'il avait étant enfant, sans avoir relu les livres dont il se souvient.
Il n'y traite donc, vous l'aurez compris, ni de méthode de lecture ni d’apprentissage ni de pédagogie. Ce n’est pas son propos. Il s'explique donc sur le choix de ce titre, un brin provocant, ou du moins qui paraît à contre courant à une époque où l’on entend dire : les enfants ne savent pas lire, ils abordent sixième sans maîtriser la lecture, etc. Seuls les enfants savent lire…parce qu'ils bénéficient d'une vivacité et d'une fraîcheur d'impressions sans pareilles.
Sur les 120 pages de ce petit livre, pas de découpage en chapitres : Michel Zink nous entraîne dans ses souvenirs de lecture, sans à-coups, tranquillement, comme s'il nous proposait une promenade au fil de l’eau…
Il existe, pour les enfants, d’hier et d’aujourd’hui encore, deux sortes de livres :
- les livres de classe, dont la lecture est obligée
- et les livres « de la maison », des loisirs, des vacances, dont la lecture est choisie.
Et Michel Zink commence par se souvenir de ses livres de classe, les méthodes de lecture dont certaines étaient gaies…enfin, disons qu'elles adoptaient un ton « digne », un ton « de mise »…
Page 25, on découvre que l’éminent professeur qu'est devenu Michel Zink, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et professeur au Collège de France, a été un élève paresseux, qui retardait le plus possible le moment de se mettre au travail !
Autre confession que l’on découvre en plusieurs passages, il est fasciné par l’eau, la mer, les bateaux, et pourtant, il a vécu en ville et dans le Morvan !
Lorsqu'il lit des livres de vacances, l'enfant est troublé, ému ; il lit avec sa sensibilité plus qu’avec son intellect. Ce que Michel Zink résume ainsi : Au fond, j’avais beau ne rien comprendre, je comprenais tout. C’est ainsi que les enfants lisent. Ils comprennent sans savoir qu’ils comprennent. Ils ont raison. Le lecteur doit accepter d’être dupe de ce qu’il lit, et non jouer au plus malin. La pire lecture est celle des professeurs et des critiques.
Il a bien sûr lu les les fameux "signes de piste", et, en se remémorant cette lecture, il y distingue deux plaisirs, que l’enfant perçoit très aisément : le premier plaisir de lire, celui de l’aventure palpitante dont on ne se tient pas d’impatience de découvrir la suite et le fin mot. Mais à l’époque où je m’y plongeais, je savais déjà qu’un livre peut procurer un autre plaisir, qui ne tient ni à l’entassement des épisodes ni à leurs rebondissements, un plaisir dont je comprenais qu’il devait être tenu pour préférable et qu’il l’était en effet… un plaisir supérieur…
Enfin, Michel Zink se révèle un lecteur passionné d'Henri Pourrat et il explique ici pourquoi : parce que l'écriture de Pourrat le ravissait, avec son immense talent capable de reconstituer un style oral.
Et il adorait les contes : la source de la littérature des troubadours qu'il enseigne aujourd'hui ! Comme quoi, la lecture engendre des vocations.