Terrorismes, histoire et droit, CNRS Editions : un livre sous la direction d’Henry Laurens et de Mireille Delmas-Marty
Comment définir un phénomène aussi insaisissable que le terrorisme ? Défini comme un crime, il n’en demeure pas moins un concept flou dont les définitions sont extrêmement variables selon les époques, les histoires nationales et le droit. Le livre Terrorismes, histoire et droit chez CNRS Editions, présente les plus récentes réflexions sur le sujet. Un regard intellectuel pluridisciplinaire de haute volée pour juguler l’ignorance et la peur. Henry Laurens répond aux questions de Canal Académie.
Quelle est la nature du terrorisme, son histoire et son avenir ?
Autant de questions fondamentales traitées en profondeur par les plus grands spécialistes, historiens, juristes et politologues que vous pouvez trouver dans un livre passionnant Terrorismes histoire et droit sous la direction d’Henry Laurens et de Mireille Delmas-Marty, un ouvrage, publié chez CNRS éditions, en 2009.
L’occasion de comprendre ce phénomène « insaisissable » sous les angles combinés de l’Histoire et du droit. Somme toute des mises en perspective trop rares dans le temps des médias.
Le livre reprend les communications d’un colloque de juin 2008, au Collège de France, à l’IMC, l’Institut du monde contemporain intitulé, « typologies du terrorisme et communauté de valeurs ». L’enthousiasme de la salle et la qualité des échanges ont débouché sur une réflexion collective que les auteurs ont voulu porter à la connaissance d’un public plus large par l’intermédiaire de ce livre de 300 pages, coordonné par Ana Jaber.
A aucun moment, il ne s'agit de se prononcer pour ou contre mais d'en expliquer les logiques.
Composé en deux parties, l'une sur l'histoire et l'autre sur le droit, l'ouvrage rassemble 7 chapitres signés par 7 auteurs. La partie historique commence par un texte d'Henry Laurens consacré au terrorisme comme personnage historique dans lequel il propose une typologie du phénomène, présente ses origines et comment l'usage du terme s'est surtout développé au XIXe siècle. Henry Laurens n'a pas voulu traiter le terrorisme comme une technique de combat à la manière des théoriciens de la guerre pour ne pas en faire un trait permanent de l'histoire qui pourrait définir comme "terroriste" des actes de manière anachronique. S'interdisant ces concepts ex-post, c'est à dire définis postérieurement à la période concernée, Henry Laurens part de la référence au binôme terreur/terrorisme qui s'inscrit dans les sources à partir du XIXe siècle, de façon récurrente et qui tire ses origines de la Révolution française. En prenant le terrorisme comme personnage historique, comme Fernand Braudel l'a fait avec La Méditerranée au temps de Philippe II, Henry Laurens entend combiner l'analyse du phénomène en tant que crime, technique de combat, et en ce qu'il révèle sur la période concernée. Il donne la définition suivante du terrorisme : « il existe dès qu'une cause devient un absolu qui rend secondaire la nature des moyens employés. Plus qu'une maladie à éradiquer, c'est un symptôme qu'il faut traiter en prenant en compte ce qu'il révèle.» Il distingue un terrorisme moderne, un terrorisme international né avant la Première Guerre mondiale, entre un terrorisme à référence identitaire nationale et un terrorisme à référence révolutionnaire, un "terrorisme publicitaire", un "terrorisme classique de type nationaliste", un "terrorisme d'avertissement", un terrorisme de "riposte graduée", un "terrorisme publicitaire à outrance", une forme radicale du terrorisme déterritorialisé..."
L'analyse historique d'Hamit Bozarlan (chapitre 2) donne une grille de lecture du phénomène comitadjilik (modes d'actions violentes de guérilla, attentats, enlèvements), balkanique, arménien et turc dans le cadre de l'Empire ottoman avant les guerres balkaniques. Les recherches de Barbara Lambauer (chapitre 3) sur le terrorisme selon l'Allemagne nazie et sa répression montrent que dans les cas de l'URSS, de la France et de la Serbie, un lien étroit a été établi, en 1941, entre "le terrorisme" et le traitement des populations juives sur place.
Mireille Delmas-Marty a mis en évidence, dans cet ouvrage, une typologie juridique évolutive et contradictoire dans les définitions que le droit a donné du terrorisme. Elle défend l’idée qu’une solution passe par l’élaboration d’une communauté de valeurs pour réunir des nations et des Etats aux histoires et aux cultures différentes, dans leur rapport à la guerre. Cette communauté de valeurs permettrait de s’entendre en vue d’une harmonisation pénale internationale sur ces questions. Elle définit ainsi le statut du terrorisme comme un concept juridique transitoire, en vue de la construction d’une communauté de valeur mondiale. Le chapitre de Michel Rosenfeld développe le principe de pondération judiciaire dans une perspective comparative du droit et Emmanuel Decaux parle de la recherche sans cesse différée de la définition du terrorisme.
L'invité de l'émission, Henry Laurens est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du Proche-Orient et sur la Palestine, parmi les plus récents citons, 3 volumes consacrés à La question de Palestine ; en 2008, L’Orient arabe à l’heure américaine ; en 2009 L’Empire et ses ennemis, la question impériale dans l’histoire et Orients-conversations avec Rita Bassil El-Ramy, CNRS Editions.
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- Sous la direction de Mireille Delmas-Marty et d'Henry Laurens, Terrorismes, histoire et droit, CNRS Editions, décembre 2009