Traduire en français, du Moyen-âge au XXIe siècle
En traduisant, faut-il respecter le sens littéral ou plutôt faire comprendre le fond ? Giovanni Dotoli, professeur de langue et littérature françaises à l’Université de Bari, a entrepris de retracer l’histoire de la traduction en français, du Moyen Âge à nos jours. Il montre comment les points de vue ont évolué. Il pose également des questions incontournables : la traduction a-t-elle été tenue pour un genre mineur par rapport à la création ? Peut-on considérer le traducteur comme un écrivain ? Quels genres de textes traduit-on et de quelle manière ? Voici un ouvrage fondamental, préfacé par Alain Rey.
Lequel d’entre nous n’a pas, un jour ou l’autre, dans sa jeunesse ou dans sa vie professionnelle, été confronté à la difficulté de traduire un texte d’une langue étrangère dans la sienne ? Faut-il traduire mot à mot, respecter le sens littéral ou au contraire l’important est-il de faire comprendre le sens général, le fond ?
Le sens ou la lettre, la fidélité ou la liberté : tout le débat autour de la traduction se résume à cela. Car le traducteur n'est pas seulement un passeur de langue... En traduisant, il fait acte de création.
La question n’est pas nouvelle, comme nous l'explique dans cette interview Giovanni Dotoli, professeur de langue et de littérature françaises à l’université de Bari, qui a fait paraître un ouvrage volumineux sur la théorie, la pratique, la philosophie de la traduction. Durant 15 années, il a travaillé sur les traductions de l'italien en français.
- Ce n'est pas tant une histoire des traductions ni une liste des traducteurs et des textes traduits qu'offre Giovanni Dotoli dans son ouvrage mais plutôt une histoire des idées sur la traduction et la manière de traduire qui a largement changé au fil des siècles.
Notre invité résume ainsi son projet : « Je voudrais capter l’esprit des règles de la traduction en France, d’après leurs évolutions…"
En six chapitres, l'auteur traite donc de la traduction de manière chronologique :
1 – Traduire au Moyen-Age pour faire connaître : c'est le but de Saint Jérôme qui traduit la Bible. La traduction est un mode de diffusion des connaissances, notamment de la science (avec Roger Bacon par exemple). La traduction doit donc avoir une utilité.
2 – Au XVIe siècle, c'est la naissance du livre et l'apparition du mot traduire, avec d'éminents écrivaints tels Clément Marot, Étienne Dolet, La Boétie. On commence à parler des « belles infidèles ».
3 – Au XVIIe siècle, l'interrogation devient : faut-il fixer des règles et quel est le rôle du traducteur (le mot apparaît dans les dictionnaires).
4 – Puis arrive, au XVIIIe siècle, les Lumières, les savants de l’Encyclopédie, à commencer par d'Alembert, et l'on comprend que les traductions deviennent majeures.
5 – Au XIXe siècle, les écrivains se font volontiers traducteurs : Chateaubriand traduit Milton, Nerval Goethe, Baudelaire Allan Poe, Michelet Vico, Vigny Shakespeare, etc. on traduit abondamment.
6 – au XXe siècle : les éditeurs offrent des traductions, encouragées par des prix littéraires, s’ouvrent à d’autres langues (slaves, hispanisantes) la traduction est partout dans la vie (livres, films, pièces, etc).
Après ce panorama chronologique, Giovanni Dotoli se penche sur les théoriciens de la traduction, sur ceux qui pensent le fait de traduire et il décèle quatre voix phares :
- Antoine Berman
- Henri Mischonnic
- Jean-René Ladmiral
- Yves Bonnefoy
ll ne manque pas de rappeler le mot de Gide : « On ne s’improvise pas traducteur. »
Et aujourd'hui ? les possibilités technologiques vont-elles faire de la traduction un art ou une technique ? Réponse de notre invité : la traduction est déjà le 8e art !
Giovanni Dotoli, « traduire en français, du Moyen-âge au XXIe siècle »,
Avec une préface d’Alain Rey
(Éditions Hermann, 2010).
En savoir plus
- Le site Internet de Giovanni Dotoli
- Giovanni Dotoli est aussi poète. Il a publié "Je la vie", oeuvres poétiques en deux volumes chez Schena Editore-les éditions du Cygne