Michel Mohrt sur Henry de Montherlant : de la fascination au rejet
Dans cette émission littéraire « Au plaisir d’insolence », Elizabeth Antébi reçoit Michel Mohrt, de l’Académie française. Michel Mohrt aborde l’insolence de Montherlant, la période de la guerre, sa personnalité à contre-courant... Libres propos !
«Livresque» au bon sens du mot, Michel Mohrt a voué toute sa vie à la littérature, à l’édition (il siégea, avec Kléber Haedens, au Comité de lecture de Laffont, puis chez Gallimard), à la traduction ou encore à la présentation d’écrivains américains.
Son premier livre, il le consacre à Montherlant, cet être «d’extrême» et de «clair-obscur» qui fut l’un des écrivains «culte» ou abhorré de cette génération de l’immédiat après-guerre : Henry de Montherlant. C'est ainsi qu'il écrit : Homme libre en 1943 publié chez Gallimard. Dès le début, il met des guillemets à l’expression, ce qui fâche l’auteur des Célibataires (1934) et des Jeunes Filles (1936-1939). Car Michel Mohrt admire l’écrivain, dont il raconte la rencontre au Café Masséna à Nice, dans Vers l’Ouest, puis l’initiation au théâtre, mais aussi en déplore les manies qu’il partage avec certains de ses héros, comme la manière de triturer la mie de pain...
Puis, peu à peu, Michel Mohrt prend ses distances avec cet homme qui dit avoir «besoin de vivre toute la diversité du monde et de ses prétendus contraires» et dont il découvre avec horreur les perversions, pour lui non négociables.
«J'ai compris qu'il se disait libre, qu'il voulait être libre et qu'il ne l'était pas !».
Sans renier la beauté de son style, l’œuvre magistrale ou encore sa morale, Michel Mohrt constate qu'il «était très sévère pour l'époque et pour lui-même». «Ce qu'il disait sur les gens, sur les chansons à la mode, leur médiocrité, leur vulgarité» le choque. «Il s'était arrangé pour ne pas faire la guerre alors qu'il aurait dû la faire. Tout était faux chez lui !». «L'admiration n'était plus là.» «J'avais tellement aimé son œuvre, la déception était telle que c'était devenu effrayant ! Il courait même après les petits garçons... je ne pouvais le lui pardonner.»
Michel Mohrt est né à Morlaix, ville dont la devise est : «Si les Anglais aboient, mords-les !». Quand on le visite chez lui, il travaille sous l’œil de deux hommes qui veillent sur lui, son père et son grand-père qu’il a tous deux peints – car il est aquarelliste de talent – avec un livre à la main.