31 octobre 1512 : Jules II inaugure à Rome la chapelle Sixtine

Avec Jean Delumeau et Yves-Marie Bercé, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Avec Anne Jouffroy
journaliste

Le 31 octobre 1512, le Pape Jules II de la Rovere inaugure la nouvelle chapelle Sixtine. Le lendemain, il célèbre sa première messe sous la voûte de Michel-ange, décorée de fresques figurant la Création et la chute de l’homme.
Écoutez Jean Delumeau et Yves-Marie Bercé, membres de l’académie des inscriptions et belles lettres, évoquer l’histoire de la chapelle Sixtine, puis le « terrible » Jules II, pape mécène et guerrier.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : carr904
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Jean Delumeau présente « Rome capitale culturelle de la Renaissance italienne » dont les papes ont su rassembler les artistes les plus talentueux au cours d'une période qui s'étend de l'avènement de Sixte IV en 1471 au sac de la Ville en 1527.

La « Sixtine » de Sixte IV


La chapelle Sixtine porte le nom de son commanditaire Sixte IV della Rovere, pape de 1471 à 1484. Le souverain pontife souhaita bâtir une nouvelle grande pièce à l'endroit où se trouvait la Capella Magna, une grand salle médiévale, fortifiée, destinée aux réunions de la cour pontificale. Pour la décoration de sa chapelle, Sixte IV convoqua, en 1481-1482, les meilleurs peintres toscans et ombriens, organisant une sorte de « concours » entre les équipes. Travaillèrent, alors, sur le chantier les florentins Botticelli, Ghirlandaio et Rosselli et les ombriens Pérugin, Pinturicchio et Signorelli -ces noms n'épuisent évidemment pas la liste des artistes présents à Rome à l'époque de ce pape ou peu après sa mort.


L’extérieur de la chapelle (au premier plan les armes de Pie IX)





Jules II et Léon X : Michel-Ange et Raphaël

Jules II

La Renaissance romaine s'épanouit véritablement dans la premier quart du XVI° siècle, sous Jules II (1503-1513) et Léon X (1513-1521), le second fils de Laurent le Magnifique.
Ces deux papes purent et surent, dans l'espace de seulement dix-huit ans (1503-1521), à défaut de retenir Léonard de Vinci, faire travailler à Rome deux des artistes les plus géniaux de la Renaissance : Michel-Ange et Raphaël. Leurs noms devinrent inséparables de celui de la nouvelle Rome, même s'ils produisirent des chefs-d'œuvre ailleurs.
Jean Delumeau précise que Raphaël avait vingt-cinq ans quand Jules II, sur recommandation de Bramante, lui demanda de peindre ses appartements du Vatican (les Stanze) et Michel-Ange en avait trente lorsque le même pape l'appela à Rome, en 1505, le chargeant de faire son tombeau et de décorer la voûte de la Sixtine. Le second avait, dès avant cette date, travaillé à Rome (en 1496) et réalisé à Florence le David et des fresques pour le Palais Vieux. Quant à Raphaël, élève du Pérugin à Urbino, il eut très tôt la réputation d'un surdoué.
D'autre part, à l'époque, la gloire venait tôt aux artistes.
Il reste que Jules II, puis Léon X, firent des choix que la postérité a ratifiés et qui contribuèrent grandement à la gloire de la nouvelle Rome.


Voûte de la chapelle Sixtine



Michel-Ange et la voûte de la Sixtine

Pour la décoration du plafond de la Sixtine, salle récente mais déjà abimée, Michel-Ange fit modifier un premier projet qui comportait la représentation des douze apôtres et des motifs ornementaux dans les parties restantes. Après consultation de théologiens il proposa neuf sujets tirés de la Genèse, à commencer par la séparation de l'ombre et de la lumière et la célèbre création d'Adam. Il fit place aussi aux prophètes, aux sibylles et à des nus supportant des médaillons, etc.
Sa maîtrise de l'anatomie et le choix de couleurs acidulées que les restaurations récentes ont restituées, firent le succès immédiat de cette composition sans précèdent.



Fresque du  Jugement dernier (1536-41)  de Michel-Ange





Jules II ( 1443-1513) : plus militaire que pontife et plus politique qu'homme de religion ?


Quand Jules II arriva au pouvoir , il avait soixante ans. Les dix ans de son pontificat marquèrent fortement et l'histoire de la Ville et celle de son époque.

L'accession de son oncle Sixte IV en 1471 lui avait permis de gravir rapidement les échelons de la hiérarchie ecclésiastique. Il fut, en effet, ordonné, cette même année, évêque puis cardinal : un « cardinal-neveu » qui conduisit les troupes pontificales lors d'une campagne militaire pour ramener l'ordre à l'intérieur des États pontificaux et qui exerça la fonction de légat du pape jusqu'à la mort de son oncle en 1484. En 1492, son ennemi personnel Alexandre VI Borgia ayant succédé à Innocent VIII, il s'enfuit en France, à la cour de Charles VIII.

Après la mort d'Alexandre VI et le règne très court de Pie III, il fut élu au pontificat le 1er novembre 1503, par trente-sept voix sur trente-huit.

Yves-Marie Bercé, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres

Vrai guerrier, il s'employa à conforter son pouvoir temporel, multipliant les campagnes pour sauvegarder ou agrandir les États pontificaux, au gré d'alliances fluctuantes. Il s'allia d'abord avec Louis XII contre Venise, qu'il excommunia, avant de s'entendre avec la Sérénissime contre les Français, une fois que leur « victoire à la Phyrrus » à Agnadel, en mai 1509, eut laissé leurs forces sans contrepoids en Italie. Se défiant des troupes mercenaires, il créa en 1506 une véritable armée pontificale, la « garde suisse ». Mais ce pape-guerrier était, aussi, un intellectuel et nourrissait des ambitions artistiques et monumentales pour sa ville.
Et Yves-Marie Bercé de poursuivre en évoquant, encore la chapelle Sixtine, Raphaël, Michel-Ange ainsi que les transformations de la Rome de Jules II (reconstruction de la basilique Saint Pierre, percement du Borgo, etc).

La nature belliqueuse du pontificat de Jules II et la munificence de ses travaux étaient en contradiction avec l'humanisme naissant et furent un des déclencheurs de la Réforme.


Intérieur de la chapelle Sixtine



Jean Delumeau, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
DR Louis Monier

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