Charles Garnier : un génie de l’architecture pour l’Opéra de Paris et bien d’autres chefs-d’oeuvre
L’Opéra de Paris n’est pas le seul grand oeuvre de Charles Garnier. Cet architecte, Prix de Rome, membre de l’Académie des beaux-arts dès 1874 fut aussi l’artisan du Casino de Monte-Carlo ou encore de l’Observatoire de Nice. Artiste à part entière, son épouse a légué à l’Etat des portraits, des caricatures, et autres dessins laissant découvrir des facettes plus intimes de son talent. Hugues Gall, ancien directeur de l’Opéra de Paris, évoque ici ce lieu qu’il a bien connu et son architecte.
Charles Garnier (1825-1898) est l'architecte francais le plus connu du XIXème siècle. Il est aussi l'un des plus célèbres au monde. L'opéra Garnier, considéré avant même son achèvement comme le chef d'œuvre de l'architecture de son temps, fut aussi l'un des premiers et l'un des très rares bâtiments de l'histoire à porter le nom de son auteur.
Comparé fréquemment aux plus grands artistes de la Renaissance pour la diversité de ses talents, Charles Garnier symbolisa presque à lui tout seul l'art du Second Empire, alors que son Opéra ne fut terminé que sous la Troisième République.
Une architecture subtile et exubérante
À la surprise des grands architectes « installés » et, peut-être, de Charles Garnier lui-même, au désespoir de Viollet-le-Duc qui doit se retirer prématurément de la compétition, la construction du vaste et complexe ouvrage de l'Opréa de Paris lui est confiée alors qu'il n'a pratiquement rien construit. Le projet surprend et séduit pourtant le plus grand nombre. Il réunit plusieurs styles harmonieusement agencés qui agrémentent aussi bien élévations et décors intérieurs.
L'Opéra Garnier constitue le prototype et la synthèse du « style Second Empire » (ou « style Napoléon III »), qui devient le décor préféré de la bourgeoisie de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années vingt du siècle suivant. Si le début des travaux a lieu dès 1861, l'entreprise est marquée officiellement par la pose de la première pierre l'année suivante, en 1862. La construction prévue sur quatre années s'étalera en réalité sur quinze... De 1861 à 1875.
Parmi les autres ouvrages caractéristiques de l'architecte Charles Garnier, on peut citer le théâtre Marigny à Paris, le casino et l'établissement thermal de Vittel, l'Observatoire astronomique de Nice, en collaboration avec l'ingénieur Gustave Eiffel ou encore le Grand hôtel de Paris à Monte-Carlo. Notons aussi les multiples villas et même une église réalisées à Bordighera en Italie.
A propos de l'opéra Garnier, Hugues Gall raconte : «On payait pour aller voir le bâtiment ! C'est-à-dire qu'on privilégiait le lieu plutôt que les spectacles ! Alors on aurait pu se laisser aller et ne pas prendre soin de la programmation... Car les touristes échangeaient les tickets à l'entracte pour que plusieurs fournées puissent voir le grand escalier. Jamais opéra n'a conquis autant les foules du monde. »
- «Le cadre est intelligemment pensé : l'accueil du public, les deux cotés de la scène, la structure s'impose comme un modèle voire même une révolution.»
- «Victor Louis est l'architecte à l'origine de toute la conception qu'a développée Garnier. Le Grand Théâtre de Bordeaux l'avait fasciné... avec l'idée de grand salon d'entrée, celle des loges et des corbeilles...»
- «Garnier avait du génie. La conjonction du nom, du talent et de la richesse du bâtiment ont conféré une aura particulière à cet opéra admiré du monde entier.»
Charles Garnier : artiste
Louise, épouse de Charles Garnier, légua en 1922 à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts un album inédit de caricatures de son mari. Cela permit de découvrir les réseaux mondains et amicaux tissés par l'architecte, depuis sa formation jusqu'à la fin de sa carrière.
Dès son séjour à la villa Médicis, où il demeure en tant que pensionnaire de 1849 à 1853, Garnier prend pour habitude de rassembler dans ses portefeuilles des caricatures de ses amis, qui forment une irrésistible galerie de portraits où sont épinglés les travers de ces dandys ambitieux. Si certaines feuilles les représentent au travail, la plupart les mettent en scène dans des saynètes burlesques qui illustrent leurs divertissements, où se mêlent parties de chasse, fêtes et improvisations théâtrales.
Les années parisiennes, à partir de 1854, témoignent d'une vie moins dissolue et le portrait prend le pas sur la caricature, en particulier, à l'époque de l'Institut (1874-1898), où les académiciens sont représentés sans complaisance, ne dissimulant ni leur grand âge, ni l'ennui qui les gagne au milieu des réunions ! Très homogène, tant par sa technique que par sa facture énergique et synthétique, l'ensemble des portraits-charge offre un panorama diversifié de personnalités où l'on retrouve les anciens camarades de la Villa, vieillis et fatigués, aux côtés de collègues architectes, de peintres célèbres, mais aussi d'hommes politiques puissants comme le comte Emilien de Nieuwerkerke, l'Empereur du Brésil ou encore le prince Napoléon.
Charles Garnier et l'Institut
Sollicité de toutes parts et couvert d'honneurs, Charles Garnier entre d'abord comme "associé étranger" puis occupe le fauteuil IV, celui de Victor Baltard à l'Académie des beaux-arts le 14 mars 1874. Comme c'est l'usage, il rend à son prédécesseur un hommage appuyé qui, aux dires du peintre Jules Lenepveu, «a produit sur tout le monde le meilleur effet et une attention soutenue qui n'est pas ordinaire».
Au cours de ses vingt-quatre années de présence (1874-1898), Garnier se montre très actif, participant aux élections du Prix de Rome ainsi que d'autres concours, prix ou bourses de la France entière. Animé d'un esprit scientifique curieux d'expérimentation, il porte un vif intérêt aux diverses inventions soumises à l'Académie, allant d'une nouvelle technique de moulage à une peinture à la cire cautérisée, en passant par un procédé inédit pour vernir les tableaux.
Au cours des nombreuses séances de l'Académie, Garnier pratique comme beaucoup de ses contemporains la caricature, accumulant au fil des ans une galerie tout à fait exceptionnelle de portraits des personnalités de son temps. Ces petits croquis, qui trouvaient le plus souvent place dans les poches de son costume d'académicien, étaient ensuite récupérés par son épouse Louise qui "le samedi les collaient provisoirement sur un album, en mettant le nom et la date sur le portrait". Grâce à cette sauvegarde minutieuse et réguluière, les dessins de Charles Garnier, mais aussi ceux d'autres artistes sans doute offerts à l'architecte, ont été consignés dans un album que Louise lègue en 1922 à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts.
Remarquons qu'il a fait partie des treize membres de l'organisation des funérailles de Victor Hugo, décédé le 22 mai 1885, et qu'il est l'auteur du décor de l'arc de triomphe et du catafalque conçus à cette occasion. Influent auprès de ses pairs, Garnier fut très respecté et souvent courtisé pour apporter sa voix à tel ou tel prétendant à l'Académie.
A écouter aussi : Hugues Gall, de l’Académie des beaux-arts, et l’opéra
En savoir plus :
Les Beaux-arts de Paris présentent du 26 octobre 2010 au 9 janvier 2011 dans les galeries d’exposition du quai Malaquais et jusqu’au 30 janvier 2011 au cabinet des dessins Jean Bonna, près de trois cents œuvres de Charles Garnier, soit la plus grande exposition jamais réalisée sur l’artiste.
Comparé fréquemment aux plus grands artistes de la Renaissance pour la diversité de ses talents, Charles Garnier symbolisa presque à lui seul tout l’art du Second Empire, alors que son Opéra ne fut terminé que sous la Troisième République. Mais quel homme et quelle architecture se cachent derrière ces superlatifs ? C’est ce qu’essaie de percer cette exposition, en explorant la personnalité de Garnier, complexe et attachante, oscillant entre raison et fantaisie, à l’image des bâtiments qu’il construisit.
A partir principalement de dessins, de peintures et de photographies, cette exposition, scénographiée par Robert Carsen, présente à la fois un portrait intime de l’artiste et un panorama de sa production, pour mieux comprendre une architecture subtile et exubérante. Elle se termine, dans un clin d’œil, sur l’hommage rendu aux bâtiments de Garnier par le cinéma hollywoodien.
Composée principalement à partir des fonds conservés à l’Ensba et à la Bibliothèque musée de l’Opéra, cette exposition est le fruit d’une collaboration avec la Bibliothèque Nationale de France, et a bénéficié d’un prêt exceptionnel du musée d’Orsay. Elle a reçu le soutien de la Fondation BNP Paribas, de la Fondation de l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris, de M. Philippe Journo, des sociétés Consort NT, Hiscox, Médiatransport, et Métro.
- Beaux-arts de Paris,
13 quai Malaquais
Mardi au dimanche, 13h 19h