Charles le Téméraire, un trésor en son éclat
C’est à l’occasion de l’exposition Charles le Téméraire : la splendeur de la Bourgogne au musée Groeninge, à Bruges, que Bertrand Galimard Flavigny nous fait découvrir de célèbres oeuvres d’art : celles qui étaient chères à Charles le Téméraire.
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Au cœur de la tapisserie aux mille fleurs figurent les grandes armoiries du duché de Bourgogne. L’écu est entouré du collier de l’ordre de la Toison d’or. On y reconnaît les lys de France, les bandes or et azur de la Bourgogne, le lion noir des Flandres, le lion d’or du Brabant et le lion de gueules du Limbourg. Parmi les feuillages on aperçoit les briquets, éléments des insignes de la Toison d’or. Cette œuvre tissée à Bruxelles vers 1466, l’une des plus raffinées et précieuses de son temps, résume l’histoire du duché de Bourgogne. Aujourd’hui conservée au musée historique de Berne, elle apporte tout son éclat à l’exposition « Charles le Téméraire, splendeurs de la cour de Bourgogne » à Bruges (1).
Philippe le Hardi (1342-1404), avait reçu cette terre de son père le roi de France Jean II le Bon qui n’avait pu l’annexer à son royaume. Lui et ses successeurs, Jean sans Peur (1371-1419) puis son fils Philippe le Bon (1396-1467) ont forgé en un peu plus d’un siècle, l’un des plus puissants Etats de l’Europe. Quant à Charles (1433-1477), qui prit comme devise Je laye emprints (je l’ai entrepris) que l’on voit sur un fragment de cornettes, brodée sur soie, sa volonté d’unification de ses terres afin de reconstituer la Lotharingie et son désir de recevoir une couronne royale, le conduisirent à sa perte. Son surnom « le Téméraire », qui signifie « hardi à l’excès », est différent dans les Flandres où on le connaît davantage comme Karl de Stoute, autrement dit Charles le Méchant. Le personnage fut, selon Werner Paravicini, l’un des auteurs du catalogue de l’exposition, « certainement plus charmant jeune homme qu’adulte ».
Son portrait par Rogier van der Weyden réalisé vers 1460, alors qu’il était encore comte de Charolais, montre un jeune homme posé au regard étrangement triste. Nous sommes en présence d’un prince éminemment musicien, sachant chanter et composer, grand lecteur de romans de chevalerie, davantage cultivé que ses pairs. Nous savons que peu à peu, Charles s’intéressa aux vies d’Alexandre le Grand, de Cyrus le Jeune et de César, ces conquérants qu’il chercha à imiter, alors que son père, dont la politique pondérée était faite de compromission, le laissait, lui bouillonnant, à l’écart du pouvoir.
Amoureux des arts, sans doute, Charles le Téméraire les utilisa également comme des instruments politiques et militaires. Il ne se déplaçait jamais, au cours de ses batailles, sans son trésor. Trésor qui lui sera ravi en 1474 à Grandson par les Suisses qui, depuis l’ont conservé en grande partie. Ce qui nous vaut de contempler La Tenture des rois mages, la Tapisserie de Trajan et d’Archimbault des bandes d’orfroi destinées à orner des chapes, un habit rouge, l’un des rares exemples de vêtement profane médiéval. Sac de ceinture, plats, aiguières, tranchants, coffrets, armures dont une d’enfant, jouets, jeux et armes, décrivent à leur manière la société de l’époque, à un tel point qu’il nous semble y plonger. Le cadre d’un échiquier en ivoire et ébène, illustre par exemple les divertissements en vogue à la cour : chasse, jeux, danse, amour courtois, tournois.
Nous sommes confondus autant par la richesse des objets que par la réunion qui en a été faite pour organiser cette exposition qui sera présentée ensuite à Vienne en Autriche. Nous pourrions regretter qu’il ne soit pas prévu de l’accueillir à Dijon, au palais des ducs, justement où elle aurait eu sa place. Nous y aurions retrouvé le sceau secret de Charles, des manuscrits, les colliers de la Toison d’or et quelques rares bijoux. Les joyaux ont disparu, mais grâce à des aquarelles réalisées, avant 1504, à Bâle, nous avons une idée de leur éclat. Des séries de portraits des ducs, de leurs épouses – Charles se maria trois fois – et de leurs enfants.
L’une des belles pièces est le « Reliquaire » réalisé vers 1467-1471 par un orfèvre lillois qui s’est inspiré du tableau de Jan van Eyck, « Saint Georges recommandant le chanoine Joris van Paele ». Charles qui en fit don à la cathédrale de Liège, est représenté, à genoux en donateur tenant entre ses mains le reliquaire proprement dit contenant un doigt de saint Lambert, protecteur de Liège. Le duc est revêtu d’une armure parée de têtes de lions et du collier de l’ordre de la Toison d’or. Derrière lui, debout saint Georges possède le même visage que Charles qui apparaît ainsi comme un second saint Georges.