Claude Monet : son influence sur Zao Wou-ki
Quel a été l’impact de l’oeuvre de l’impressionniste Claude Monet sur le travail de Zao Wou-Ki ? Comment l’a-t-il connu et pourquoi éprouve-t-il pour lui tant d’admiration ? Interview de l’historien d’art Yann Hendgen, assistant de Zao Wou-Ki, à l’occasion des expositions relatives à l’oeuvre de Monet en 2010.
Né à Pékin en 1921, dans une famille de grands lettrés chinois, Zao Wou-Ki passe son enfance à étudier la calligraphie, puis la peinture chinoise et occidentale à l'école des Beaux-Arts de Hang-Tcheou. Il arrive à Paris en 1948 et s'installe à Montparnasse, la France étant devenue son pays d'adoption.
En raison des nombreuses expositions consacrées à Monet en 2010 nous avons voulu rencontrer Yann Hendgen, historien d'art et assistant de Zao Wou-Ki, pour que ce dernier nous parle de l'influence de Monet sur le peintre d'origine chinoise.
Grand admirateur de Monet, Zao Wou-Ki réalisa en 1991 un triptyque intitulé Hommage à Claude Monet qui évoque d’une part le pont et les nymphéas de Giverny et d’autre part le pont que Zao Wou-Ki est parvenu à jeter entre la peinture chinoise et la peinture occidentale. Un paysage onirique à la gloire du génie des hommes.
Comment Zao Wou-Ki a-t-il connu Monet ? Quel a été son impact sur son oeuvre ? Quel rôle la France a t-elle joué sur lui ? sont les questions que nous posons à notre invité rencontré au domicile de l'académicien des beaux-arts.
Yann Hendgen nous rappelle que Zao Wou-Ki a été formé en Chine, à l'école de Hang-Tcheou. Dans le cadre de cette formation il suit un double cursus composé de tradition chinoise (calligraphie, peinture chinoise) et de l'enseignement de la peinture occidentale (perspective, peinture à l'huile). Il étudie le fauvisme et l'impressionnisme. C'est certainement à ce moment-là que l'académicien entend parler de Monet pour la première fois.
Il apparait évident que Zao Wou-Ki a cherché à aller au-delà de la simple étude de quelques tableaux du peintre impressionniste. Dès le départ il acquiert des livres, des revues, des périodiques qui traitent du Paris des années 40 mais il s'intéresse aussi à Renoir et Modigliani. Il voue très tôt un véritable intérêt pour l'impressionnisme. Lorsqu'il arrive à Paris, son premier geste est d'aller au musée du Louvre et au musée de l'Orangerie.
Yann Hendgen nous cite un passage du livre Autoportrait de Zao Wou-Ki :
- «Ce que je cherchais à voir c'était l'espace, ses étirements et ses contorsions et l'infinie complexité d'un bleu dans le minuscule reflet d'une feuille sur l'eau.»
Cette phrase serait-elle l'indice d'un coup de coeur pour Monet ? C'est fort probable : la lumière, les éléments changeants (notamment l'étude des cathédrales de Monet à différentes heures du jour sous différents éclairages) démontrent une même idée de travail. Comme le dit Yann Hendgen : «Zao Wou-Ki aime le jeu de l'eau et des reflets. Déjà à l'époque à Hang-Tcheou, il était fasciné par la multiplicité de l'espace à la surface de l'eau, la légèreté de la lumière ou son épaisseur entre le lac et le ciel. Peut-être dans la peinture de Monet a-t-il retrouvé des ponts qui lui ont plu et qui lui ont permis d'avancer.»
Attention cependant ! «Il s'est inspiré de lui mais n'en a pas fait des copies. Monet a eu une influence souple et diffuse au sein de son oeuvre.»
Pour réaliser Hommage à Claude Monet, Zao Wou-Ki s'est fortement inspiré de la série des nymphéas ainsi que des falaises d'Etretat pour la recherche du traitement atmosphérique. «Au fond, ce qui le fascine chez Monet c'est le traitement de la couleur, de la lumière, sa décomposition par la touche ou le jeu de l'eau et des éléments aquatiques, quelque chose de très poétique qui le touche énormément». Pourquoi le titre Hommage ? «Depuis qu'il est devenu un peintre abstrait, Zao Wou-Ki ne donne plus de titres à ses peintures en dehors des «Hommages»».
Yann Hendgen évoque également dans cette émission la relation entre la France et Zao Wou-ki, le travail de sa technique et de sa peinture, son amour pour Paris qui a toujours représenté pour lui la patrie des arts. Notre pays s'est imposé comme un tournant radical dans sa peinture. Son assistant va même plus loin : «L'art de Zao Wou-Ki n'existerait pas s'il n'était pas venu en France».
Cette autobiographie, écrite en collaboration avec son épouse Françoise Marquet, Conservateur au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, témoigne de son itinéraire de peintre, dès l'âge de quatorze ans, dans sa Chine natale, de ses rencontres exceptionnelles, notamment avec Henri Michaux, de ses amitiés parisiennes, et surtout de son inébranlable " plaisir de peindre " où se mêlent sa connaissance de la grande peinture chinoise et la découverte de l'abstraction que lui révéla le Paris des années cinquante.