De Miró à Warhol : la collection Berardo au musée du Luxembourg
André Cariou, conservateur en chef du patrimoine nous présente la Collection Berardo, à l’exposition "De Miró à Warhol" ; une anthologie des courants de l’art moderne entre 1909 à 1984, témoignant de la métamorphose fulgurante, qui a radicalement rompu avec les traditions.
La collection Berardo est riche de 900 œuvres d'artistes célèbres ou anonymes. Quelque 75 d'entre elles, tableaux et sculptures, sont exposées au Musée du Luxembourg.
André Cariou nous révèle les liens profonds qui existent entre les différents mouvements de peinture. Des modes d'expression aussi différents que Picasso, les surréalistes, l’art abstrait ou, plus contemporains, le pop art, la figuration libre et le « Bad Painting ».
On imagine aisément qu'il n'a pas été simple d'opérer une sélection parmi tant de courants, de tendances et leurs représentants artistiques.
André Cariou nous introduit dans le cœur même de la collection et de son créateur, José Berardo. Ce fils de paysan portugais a fait fortune en Afrique du Sud pour devenir un homme d'affaires milliardaire. Il n'a pourtant constitué sa collection que très récemment, à partir des années 1990. Il s’y est investi avec une formidable énergie et un goût d’une sûreté étonnante pour un autodidacte.
L’exposition s’articule autour de cinq sections illustrant les mouvements artistiques majeurs : le Surréalisme, l’Abstraction de 1910 à l’immédiat après-guerre, le Nouveau Réalisme, le Pop Art et les différentes recherches plastiques post-1945.
L'exposition s'ouvre sur une notion chère au collectionneur Berardo, une « confrontation » entre des œuvres très diverses, un éclectisme surtout inspiré par les coups de cœur du collectionneur et qui situe l’esprit de cette collection.
Ici sont « confrontés » un Paysage de Nicolas de STAEL et un Paysage d’Amadeo de SOUZA-CARDOSO, le plus grand peintre portugais du début du siècle ; une Tête de femme de PICASSO et une Tête de Jackson POLLOCK ; un Saut dans l’espace de Karel APPEL ; un Nu assis à la chaise verte de Francis GRUBER qui voisine avec un Nu debout d’Eugène LEROY ; et La Mante, grande de Germaine RICHIER ; un Portrait de femme en robe bleue de BALTHUS.
- Une seconde séquence est consacrée au SURREALISME, un des points forts de la collection en prolongement du mouvement Dada.
André Cariou recadre la place de ce mouvement dans l'histoire de la peinture, de la poésie et de la création onirique en général.
Il a sélectionné pour le Musée du Luxembourg des œuvres de fondateurs comme MIRO (L’Homme à la bougie) - Max ERNST (Paysage noir) – René MAGRITTE (Le Gouffre argenté) - Giorgio de CHIRICO (La Cohorte invincible) - Victor BRAUNER (Le Chevalier de glace) - Hans BELLMER (La Toupie) - Wilfredo LAM (Lunguanda Yembe), Jean ARP et d’autres.
Citons encore un « cabinet de curiosité » (Dali – Yves Tanguy – une « boîte » de Joseph Vornell, des dessins de Victor Brauner, Roberto Matta, et un Cadavre exquis de 1933, signés d’André Breton, Valentine Hugo, Tristan Tzara et Greta Knutson).
La transition avec la section suivante se fait avec deux œuvres de Jean (Hans) ARP (Sans titre vers 1926, et Feuilles placées selon les lois du hasard, 1937) puis un dessin d’Arshile GORKY (étude pour Bull in the Sun, 1942).
- La troisième partie présente les différents courants de l’abstraction géométrique dans l'Europe de l'entre deux guerres…
La collection centrée sur la peinture de Piet MONDRIAN (Composition en jaune, noir, bleu, rouge et gris, 1923) voisine avec celle de son disciple Jean GORIN (Composition n°28, 1930). Sont exposés également ici Amédée OZENFANT, Robert DELAUNAY, Jean HELION, Ben NICHOLSON, Marcelle CAHN, ainsi que des représentants de mouvements comme « Cercle et Carré », le groupe « Art concret » ou l’association « Abstraction-Création » dont une Composition de 1923 de Victor SERVRANCKS figure dans cette section.
Vient la salle consacrée au Nouveau Réalisme français des années soixante et au Pop Art américain.
Avec une sélection d’artistes comme Yves KLEIN - les affiches lacérées de VILLEGLE ou de ROTELLA…
Et les américains Andy WARHOL – Roy LICHTENSTEIN – Tom WESSELMANN (sur l’affiche) - ou le suisse Jean TINGUELY dont la sculpture Indian Chief de 1961 suscite une grande curiosité par le bruit métallique impressionnant qu'elle déclenche à intervalles réguliers.
- La dernière salle offre un panorama de l’après-guerre, avec différentes recherches postérieures à 1945 autour de l’abstraction géométrique et l’abstraction lyrique….
Quel lien établir entre ces deux mouvements apparemment distincts pour ne pas dire opposés ? André Cariou nous éclaire.
Le visiteur retrouve ici quelque grands noms de la deuxième moitié du XXe siècle :
Vieira da SILVA (la première acquisition de José Berardo), SOULAGES, Joseph ALBERS, RIOPELLE, un très grand format de Frank STELLA, Joan MITCHELL…
Une œuvre étonnante de Julian SCHNABEL (Portrait de Jacqueline) composée de mille morceaux d’assiettes termine l’éblouissante exposition.
Après cette sélection d’œuvres et de certains chefs d’œuvre dont nous avons déjà souligné l’exceptionnelle qualité, on peut toutefois noter des absents de marque. Par exemple le cubisme, l'art brut ou encore l’hyperréalisme américain …
Et des artistes notables : Paul Klee, Kandinski, Soutine, Chagall, pour ne relever qu’eux. Il faut comprendre, nous dit André Cariou, que le collectionneur disposait certes de moyens importants, mais tout de même pas illimités. Tout était donc une question d’opportunité.
Le XXe siècle a connu deux guerres mondiales. Ne sont-elles pas à l'origine d'un même mal de vivre, d'une même révolte angoissée dont témoignent, chacun à sa façon, des mouvements aussi divers que l'expressionnisme, le surréalisme ou l'abstraction ? C'est en historien de l'art et spécialiste de cette période qu'André Cariou répond à cette question.
D'une manière plus générale, il s'exprime sur la révolution artistique, sur son audace. Il fait le point sur l'art dans la société aujourd’hui et spécule sur l'accueil que l'avenir peut lui réserver.
Pour en savoir plus :
André Cariou, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des beaux-arts de Quimper. Spécialiste reconnu de la peinture du XXe siècle. Auteur de treize livres d’histoire de l’art, de nombreux articles de revues, il a également participé à la rédaction d’un grand nombre de dictionnaires, guides et catalogues d’exposition, ayant principalement pour objet le surréalisme et la peinture de la fin du XIXe siècle.
- De Miró à Warhol, la Collection Berardo à Paris ;
Du 16 octobre 2008 au 22 février 2009
Au Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris.
www.museeduluxembourg.fr