Le buste de Jean Cocteau par Jacques Gestalder
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques
Le sculpteur figuratif Jacques Gestalder (1918-2006) avait sculpté en 1949 le buste de Jean Cocteau. Cette œuvre est offerte à l’Institut de France par son épouse, Jacqueline Gestalder. Écoutez dans cette émission le discours du Chancelier Gabriel de Broglie, quelques anecdotes et souvenirs relatés par le Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, Arnaud d’Hauterives, et l’évocation de l’amitié entre Gestalder et Cocteau par Jacqueline Gestalder.
Le mardi 18 novembre 2008, dans le salon Bonnefous, à l'Institut de France, s'est déroulée une cérémonie émouvante à l'occasion de la remise du buste de Jean Cocteau (1 exemplaire sur 8) sculpté par son ami Jacques Gestalder, en présence de plusieurs personnalités dont Mme Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, des artistes Gérard Lanvin, Antoine Poncet et Yves Millecamps, membres de l'Académie des beaux-arts, de Lydia Harambourg, correspondant de cette même Académie, et des membres des Amis de Jean Cocteau.
Vous pourrez écouter en premier intervenant M. le Chancelier de l'Institut de France, Gabriel de Broglie, qui exprime sa reconnaissance à Madame Gestalder d'avoir contribué, par ce don, à enrichir la collection des bustes de l'Institut (Maurice Druon qualifie l'Institut de « maison des bustes »), ces « gloires de marbre ou de bronze », auxquelles aucun visiteur ne saurait demeurer insensible, tant ces célébrités sont partout présentes, dans les salons, les couloirs, les bureaux du palais de l'Institut. Il se réjouit de trouver ainsi réunies ces deux grandes figures de l'art des années d'après-guerre, Jean Cocteau et Jacques Gestalder.
LA FONTE D'UN BUSTE DE JEAN COCTEAU A LA FONDERIE ROSINI
envoyé par mipat. - Films courts et animations.
Un dialogue épistolaire
Ils s'étaient rencontrés en 1941 et leur amitié, leur dialogue, a duré jusqu'à la mort de Cocteau en 1963. Ils s'échangeaient des lettres, des dessins, des poèmes.
Gabriel de Broglie rappelle que si Jean Cocteau, élu à l'Académie française en 1955, jouissait de multiples talents d'artiste, il ne touchait cependant pas à la matière. Jacques Gestalder, lui, héritier de son grand-père sculpteur sur bois, montrant également de nombreux talents de dessinateur, peintre, poète et bien sûr sculpteur, avait commencé à tailler la pierre dès son entrée à l'École des beaux-arts, à 18 ans, puis à exposer ses premières sculptures (représentant Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier) dès 1937. Le sculpteur réussit magnifiquement à exprimer la tension entre l'esprit, la forme et la matière et à donner à celle-ci la vibration qui signe son travail.
Deux êtres que tout oppose mais que réunit un même amour de la danse, car c'est dans cet univers que Cocteau autant que Gestalder aimaient puiser leur inspiration. Leur rapport au monde de la danse, des ballets et des danseurs est central dans leur œuvre respective. C'est d'ailleurs dans cet univers que Jacques Gestalder a rencontré son épouse, Jacqueline, elle-même danseuse.
Un buste unique dans sa création
Puis le Chancelier de Broglie explique en quoi ce buste est un « unica », c'est-à-dire un modèle unique pour ce qui concerne l'aspect créatif (7 autres exemplaires peuvent en effet être réalisés). Admirons ce buste long et fin, au profil acéré, reproduisant la manière dont Cocteau se tenait à distance du monde, avec une légère moue.
Et surtout, la chevelure. Une « chevelure de flamme ailée », comme le souligne Jacqueline Gestalder. Une chevelure que le sculpteur a volontairement exagérée afin d'illustrer une sorte de contact de Cocteau avec le cosmos. « Car l'art figuratif ne reproduit pas la réalité telle quelle, mais fait ressortir l'âme de la personne », dit-elle.
Deux rencontres mémorables
Vous pourrez, après le Chancelier de Broglie, écouter le Secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, Arnaud d'Hauterives, qui relate dans quelles circonstances il a connu le sculpteur Gestalder et l'artiste Cocteau. Une inoubliable visite dans l'atelier du premier, tout de plâtre recouvert, et une non moins inoubliable rencontre du second à la Villa Médicis où, tel un visiteur du soir, Cocteau visitait les ateliers à la lumière d'une torche !
Arnaud d'Hauterives raconte également sa surprise d'avoir appris, lors des obsèques de Gestalder, que ce dernier avait suivi des études celtiques et était un authentique druide...
Tous deux immortalisés
Jacqueline Gestalder, à son tour, exprime son émotion de voir ainsi réunis, par ce buste, le prince des poètes et son époux.
Elle raconte aussi comment Gestalder, à peine âgé de vingt ans, a adressé une lettre à Cocteau (de trente ans son aîné) et nous lit la réponse de celui-ci. Cette amitié étincelante, elle la compare au « heurt d'un silex partageant un feu humain et divin, entretenu par la poésie, vestale éternelle ».
Elle nous révèle aussi le message que Jean Cocteau a écrit en 1959 à Jacques Gestalder, auquel il a dédié son film Le testament d'Orphée.
À écouter aussi sur Canal Académie :
Jacques Gestalder, sculpteur du corps dansant en compagnie de Jacqueline Gestalder