Le peintre et l’académicien, Renoir et Rouart

Jean-Marie Rouart, de l’Académie française, évoque Pierre-Auguste Renoir
Avec Anne Jouffroy
journaliste

Jean-Marie Rouart évoque dans son livre Une Jeunesse à l’Ombre de la Lumière ses souvenirs d’enfance avec le peintre Renoir qui a réalisé cinq portraits de sa grand-mère Christine Lerolle. Rencontre avec l’académicien à son domicile qui nous invite dans un cercle d’amis fous de peinture, de littérature et de musique.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : carr614
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"Dans mon livre Une Jeunesse à l’Ombre de la Lumière, j’ai évoqué mes souvenirs d’enfance au sein de la gens-Manet-Morisot-Rouart et de ses chers amis peintres, Degas et Renoir. Renoir fut un des tuteurs de Julie Manet à la mort de sa mère, Berthe Morisot.

Ces fous de peinture ne parlaient que de leur passion commune. Ils s’aimaient et ils aimaient l’élévation en général. La musique et la littérature les attiraient beaucoup aussi. Ernest Chausson et Paul Valéry étaient apparentés à cette famille de génies et Debussy et Mallarmé très proches par le cœur.

Jeunes filles lisant
Pierre-Auguste Renoir<br /> Vers 1890-1891<br /> Los Angeles, Los Angeles Museum of Art<br /> Josse \/ Leemage

« Renoir a peint cinq portraits de ma grand-mère Christine Lerolle, jouant du piano ou lisant ou encore brodant, seule ou avec sa sœur, – ces sont ces tableaux-là qui ouvrent l’exposition actuelle du Grand Palais (été 2009).
Renoir aimait les jeunes filles des familles raffinées des artistes qui lui rappelaient l’aristocratie du XVIIIe siècle. Comme Proust, il était fasciné par l’aristocratie et il n’aimait pas la bourgeoisie du XIXe siècle, un peu obtuse, qui ne s’intéressait pas à l’art. Il adorait le peuple, dont il était issu, comme sa femme.

J’ai connu un de ses derniers modèles, Georgette Pigeot, qui était la couturière de ma mère. Elle nous racontait les séances de pose avec la bonhomie, parfois même les gauloiseries, du maître qui aimait la simplicité, le naturel et fuyait le snobisme mondain. Il était un peu sauvage, comme le sont bien souvent les artistes. Degas, lui, était presque misanthrope.

J’ai beaucoup apprécié Jean, son fils, le cinéaste. Il a choisi un art complètement différent de la peinture, mais, comme son père il s’est penché sur les plaisirs des traditions populaires en ciblant le naturel du peuple. Il fut fidèle à son père d’une part par sa gentillesse et son côté extraordinairement humain et d’autre part par sa conception de la société. Ce sont les mêmes thèmes qui transparaissent sur l’écran et… avec aussi une touche impressionniste !

Moi, j’ai essayé d’échapper à la destinée mono-maniaque de la famille par l’écriture. Mais je ne peux m’empêcher de replonger parmi ce monde enchanté des génies familiaux. J’ai voulu raconter cet heureux hasard qui m’a fait naître dans un cercle familial si particulier et si merveilleux.
Je n’en tire aucune gloire personnelle, seulement le besoin d’exister par moi-même.

Et ma chance fut d’être un écrivain. »

jeunes filles au piano, 1892
Musée d’Orsay, Paris<br /> RMN \/ Hervé Lewandowski

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