Le sculpteur Pierre-Edouard à la fonderie d’art Godard : la lumière du bronze
Le sculpteur Pierre Edouard nous ouvre les portes de la fonderie d’art Godard, installée près de Paris à Malakoff, où il fait fondre ses sculptures. On y travailent encore la fonte au sable et à la cire perdue, selon les traditions ancestrales du métier. Dans ce reportage enregistré sur place, le chef d’atelier Djamel Mérabet, également chef de la ciselure et Bernard Touffet, chef de la patine des bronzes, livrent leur savoir-faire, en compagnie de l’artiste Pierre Edouard, habitué du lieu.
Djamel Mérabet chef d’atelier à la Fonderie Godard et le sculpteur Pierre Edouard nous racontent les différentes étapes de la réalisation d'une sculpture en bronze.
L'artiste arrive à l'atelier avec son modelé, une pâte ou une "terre" qu'il a modelée. De cette structure originale naîtra un bronze, des semaines plus tard, selon, le calendrier des coulées et du travail en cours à la fonderie. Empreinte et constitution du moule, constituent les premières étapes. Puis on fabrique un noyau. On pose des tuyaux d'alimentation par lesquels s'écoulera le bronze en fusion et s'échappera l'air. Mais avant la fonte, les deux parties du moulage ont été réunies, dans une chape de plâtre. Celle-ci sera placée et protégée par du sable quand elle sera mise dans le four. Celui-ci n'est allumé que pour fondre plusieurs pièces à la fois. Sa température est portée à 1240 degrés, pendant une semaine pendant laquelle la cire fond et s'écoule. « La coulée, visuellement impressionnante, réclame la présence de 5 personnes pour 30 pièces et 400 kg de bronze. »
Les traces des tuyaux, des clous et des évents seront effacées, le bronze sorti du four, une fois refroidi, par le long travail du ciseleur.
Un bronze résulte d'une alchimie mystérieuse. Tous les paramètres de création ne peuvent en être contrôlés. La fonte s'échelonne sur plusieurs jours et correspond, comme le dit Pierre Edouard, au véritable moment de naissance de la sculpture.
Selon ses mots, "chaque étape a un sens et aucune n'est accessoire. On n'est jamais sûr d'un bronze. Cela ne peut pas être mécanique. Ce n'est pas une science exacte. C'est vivant."
Un bronze n'est en fait pas plus épais qu'un demi-centimètre. C'est une "peau" que le sculpteur examine très attentivement, sortie du four. « Une fonte parfaite n'existe pas » dit-il. Il y a toujours des petites retouches à faire, des petits trous. Il faut retoucher le modelé. Il y a alors échange entre l'artiste et le ciseleur. « C'est une histoire de compréhension de l'œuvre et de sensibilité, car chaque pièce est unique (Pierre-Edouard).» Le dialogue entre l'artiste et le ciseleur montre la part de chacun pour rendre la beauté de la pièce, comme le formule Djamel Mérabet. Il effectue pour Pierre Edouard une ciselure adaptée, avec des outils spécifiques qu'il a créés et qui donnent le grain du bronze, attendu par Pierre Edouard. Parfois, il faut refaire une partie de la sculpture, quand un élément n'est pas sorti du four comme l'artiste l'attendait. Refaire un nez prend quinze jours...cela n'arrive pas souvent. La gestuelle comme la mémoire de ce savoir-faire n'est écrite que dans les silences et le respect du travail de l'atelier. Fragile, orale, visuelle, elle peut se perdre si elle n'est pas transmise d'homme à homme. Chaque point du modelé apporté par l'artiste doit être restitué pour ne pas en perdre le sens original. Tel est le but des artisans d'art de la Fonderie Godard où chacun excerce son métier...dans les règles de l'art.
Dans ce reportage, Bernard Touffet, patineur à la Fonderie Godard, raconte son travail. Il donne au bronze sa couleur, en appliquant des acides métalliques et des sels de cuivre, de fer, de potasse, de chrome. L'estampage est répété plusieurs fois, pendant plusieurs heures. «C'est un peu comme une goutte d'huile qu'on mettrait à la surface d'un lac. On superpose des couches qui n'ont pas d'épaisseur et la difficulté consiste à s'arrêter au bon moment.» C'est ce lent et patient travail, délicat pendant lequel ses mains passent de l'éponge, au pinceau, puis au chalumeau, pour obtenir les transparences souhaitées par l'artiste sur des épaisseurs quasi inexistantes. Elles donneront la couleur et le grain du bronze.
Lui seul détermine quand il doit s'arrêter. Son savoir-faire empirique et si précieux lui permet de juger à partir de quel moment les différentes applications s'avèrent suffisantes.
Une empreinte digitale de l'artiste sur le modelé doit se retrouver sur le bronze. C'est dire combien «ses seigneurs du bronze» comme les présente le site Internet de la Fonderie Godard, mettent un point d'honneur à faire un travail sur mesure, un travail de dentelle, insoupçonné pour l'œil inhabitué.
Ce jour-là, le bronze est sorti trop bleu. Le brun recherché n'était pas au rendez-vous. Bernard Touffet a repris ses outils pour faire évoluer la patine selon le vœux de Pierre Edouard pour obtenir la couleur souhaitée qui permette d'avoir de la transparence entre le marron et le rouge.
Les patines de Pierre-Edouard ont de particulier qu'il les finies à la main. «Je ne veux pas que cela soit brillant ou mat». Il cherche un satiné afin qu'on voit tous les modelés. Pour cela, il passe ses mains «sur la sculpture pour lui donner une légère profondeur» nous dit-il. «J'aime quand il y a une transparence. Je n'aime pas que la patine occulte. j'aime que le bronze ressorte. »
Le 5 mai 2011, à la Fonderie Godard, on a placé la sculpture dans un endroit lumineux. Sur le visage de la sculpture "Tête avec bras", suspendue dans l'espace, le sculpteur a posé ses mains. Ses doigts pour uniques outils ont glissé et caressé l'œuvre, par gestes rapides, sans intermédiaire, pour achever la patine et donner vie à la peau de bronze.
Pour en savoir plus
- Pierre Edouard sur le site de l'Académie des beaux-arts
- Pierre Edouard sur le site de la galerie Ditesheim Genève- Neuchâtel
Exposition Pierre Edouard , sculptures, dessins, gravures :30 cotobre-23 décembre 2011.
8 rue du Château -2000 Neuchâtel (Suisse)
- Fonderie d'art Godard
http://www.fonderieemilegodard.com/