Le XVIIIe siècle aux sources du "néoclassicisme"
Marc Fumaroli partage son regard sur l’exposition L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle qui a eu lieu au musée du Louvre. Elle illustre à travers plus de cent cinquante œuvres majeures, la naissance du mouvement dit « néoclassique ». Ce retour à l’Antique fut principalement inspiré par la découverte et le retentissement des fouilles des cités antiques d’Herculanum et de Pompéi.
Dès le premier quart du XVIIIe siècle, les vestiges archéologiques nouvellement exhumés provoquent des débats dans les académies et les cercles intellectuels européens. Tous les domaines artistiques sont gagnés par ce rêve d’une régénération par l’Antique. Marc Fumaroli nous guide dans ces méandres et le foisonnement de cette fertilité créatrice.
Nous suivons ainsi les grandes périodes correspondant aux trois principales sections de l’exposition du musée du Louvre, à savoir :
I – Le RENOUVEAU du goût pour l’Antique 1730-1770
II – RESISTANCES 1760-1790
- Néobaroque – Néomaniérisme – Le Sublime
III – NEOCLASSICISMES 1770-1790
- Avec, dans chaque section, beaucoup de courants et contre-courants.
Un paradoxe apparent : le retour à l’antique au siècle des Lumières
Marc Fumaroli constate (voir son essai dans le catalogue de l’exposition) ce formidable paradoxe : « Le siècle des Lumières, ce siècle de la critique, du progrès et des révolutions, le premier siècle de l’Europe moderne, le XVIIIe siècle, fut le théâtre d’un retour à l’Antique universel. De Pétersbourg à Naples, de Londres à Stockholm, l’architecture, la sculpture, la peinture, le mobilier, prennent en Europe un air de famille gréco-romain. »
« Ce paradoxal tête-à-queue, du passé devenant le présent et le futur, on l’a nommé après coup « néoclassicisme », pour le distinguer du classicisme du Grand Siècle français et de celui de la Renaissance italienne, qui s’étaient targués tous deux, par leur propre retour à l’Antique, d’arracher l’Europe et la France à la grossièreté des arts et à la brutalité des mœurs. Ces alternances de ténèbres et de lumières, de déclin et de renouveau, qui ont rythmé l’histoire de l’Europe latine depuis la fin de l’Empire romain, ont toutes eu en commun, jusqu’au XVIIIe siècle, de se définir par rapport à l’Antique, forme et norme d’autorité, d’autonomie, de grandeur, de vigueur. »
« Le néoclassicisme aura été le feu d’artifice dans les années 1755-1789 d’une Europe réunie pour la dernière fois dans la même République des lettres et des Arts autour de sa fontaine commune : l’Antique ».
Débats académiques des « Anciens » et des « Modernes »
Marc Fumaroli rappelle ici tous les courants et contre-courants de la scène intellectuelle et artistique au XVIIIe siècle. Les diversités nationales – par ex. en France où le style « rocaille », l’art du plaisir, est peu à peu réformé sous Louis XV pour laisser place à l’art plus prestigieux du « néoclassicisme ». Ou encore les querelles de doctrines dans les académies, les décalages chronologiques, les persistances, les résistances, etc. Il montre la diversité, la complexité des phénomènes et le conflit des goûts à la même époque.
Nous redécouvrons avec lui des personnages clés comme l’archéologue et historien de l’art Johann Joachim WINCKELMANN (1717-1768) dont L’Histoire de l’art de l’Antiquité en 1764 fait référence. Dans cet ouvrage, il pose les bases d’une analyse historique méthodique des œuvres d’art en même temps qu’une certaine idée de l’esthétique. Selon lui, l’art vise la beauté immuable et universelle, l’idéal de l’art est calme et simple mais accompagné d’une infinie douleur d’en être à jamais séparé. À l’inverse, pour le politicien et philosophe Edmund BURKE (1729-1797) qui inspira LE SUBLIME, ce courant n’est ni calme, ni simple, il est un effet de terreur.
Marc Fumaroli passe en revue les principaux représentants des différents courants de ce grand mouvement des néoclassicismes. Pour ne citer ici que les plus emblématiques, évoquons Mengs, Batoni, Hamilton, Greuze, Falconet, Pajou, Clodion, Vien, pour la première période du renouveau du goût pour l’Antique entre 1730 et 1770.
Dans les Résistances à ce retour à l’Antique, entre 1760 et 1790, plusieurs courants se manifestent entre le « néobaroque » le « néomaniérisme » et le « sublime », avec des œuvres de Piranesi, Tiepolo, Francesco Solimena ou encore de Fragonard.
La dernière période des Néoclassicismes entre 1770 et 1790, est marquée par des artistes comme Houdon, Schadow, Julien, Canova, Ledoux, David, Drouais, Regnault, Wrigth of Derby.
Pour en revenir à cette exposition L’ANTIQUITE REVEE – Innovations et résistances au XVIIIe siècle, Marc Fumaroli relève deux pôles extrêmes dans cette exposition : d’un côté le néoclassicisme, sa beauté gelée et fascinante – celle de David telle qu’on pourra la voir dans Le Serment des Horaces – et, de l’autre, l’étrangeté, Le cauchemar, celui de Füssli ou de Blake.
N’oublions pas de mentionner les trois commissaires scientifiques de cette importante exposition, Guillaume Faroult, Christophe Leribault et Guilhem Scherf, tous trois conservateurs au musée du Louvre, qu’il faut bien sûr associer au succès de cette exposition.
Pour en savoir plus :
- CATALOGUE de l’exposition L’ANTIQUITE REVEE, 504 pages et 363 illustrations, avec un essai de Marc Fumaroli « qui propose une vision aussi large que pertinente du contexte culturel ayant permis l’éclosion de ces superbes œuvres » (Henri Loyrette). Une co-édition Musée du Louvre Editions Gallimard, paru en 2010.
- Article sur l'exposition L'Antiquité rêvée, d'Emmanuel Daydé dans la revue Art absolument, n°39
- Exposition L’ANTIQUITE REVEE - Innovations et résistances au XVIIIe siècle, Musée du Louvre du 2 décembre 2010 au 14 février 2011. www.louvre.fr
- Musique : Antonio Vivaldi, Concerto per Viola d'amore RV392 1/3, Biondi/Europa Galante.
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