Les Cévennes de Lucien Clergue
Le photographe Lucien Clergue, fondateur des Rencontres d’Arles, expose à Florac du 14 juillet au 28 août, dans trois lieux différents : le temple protestant, la salle des mariages de la mairie et la salle Emile-Leynaud au château, siège du Parc national des Cévennes. Des Gitans aux nues cévenoles, en passant par des surimpressions, ce sont en tout 70 photographies que propose à notre regard Lucien Clergue, de l’Académie des beaux-arts.
Comment Lucien Clergue, dont les œuvres sont présentes dans les plus grands musées du monde (MOMA de New York, Centre Georges Pompidou à Paris), s’est-il retrouvé dans la petite ville de Florac, seule sous-préfecture de la Lozère et - excusez du peu - capitale du Parc national des Cévennes ?
Deux hommes sont à l’origine de cette histoire. D’abord le sous-préfet de Florac, Boris Bernabeu, qui a sollicité Lucien Clergue pour exposer dans sa ville quelques-unes de ses photographies. Clergue ne cache pas qu’il était un peu réticent au départ. Mais son ami Claude Viallat, qui l’a précédé à Florac, l’a convaincu. Lucien Clergue est du reste « un habitué des Cévennes », qu’il qualifie de « pays très masculin », précisant que depuis 20 ans, il va à Bessèges, dans le Gard. Il se remémore aussi son passage tout près de là, à Saint-Michel-de-Chabriannoux, au cœur de l’Ardèche, où il garda des chèvres enfant, « pendant les huit mois de guerre et d’après-guerre ». Il avait été envoyé dans ce village en colonie de vacances par le maire d’Arles d’alors (Clergue y est né en 1934) « pour échapper aux bombardements et aux tirs de mitraillettes ».
Lucien Clergue n’était donc pas en terre inconnue. Il s’est rendu à Florac au printemps, afin de « montrer ma vision de ce pays ». Il s’est notamment attaqué au mythe de l’écrivain écossais Robert-Louis Stevenson, qui parcourut les Cévennes à dos de mule. « Stevenson m’habite », confie Clergue, qui rend hommage à son biographe français, Michel Le Bris, fondateur du festival littéraire « Etonnants voyageurs ».
Clergue a également retenu le thème des Gitans pour l’exposition, à la demande du sous-préfet. Il se dit surpris et heureux d’avoir découvert « l’existence d’un mouvement très défenseur des Gitans » dans le pays de Florac. Ce peuple persécuté à travers les âges lui fait penser aux Camisards poursuivis par les dragons du roi Louis XIV après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, qui luttaient au nom de la défense de leur liberté de conscience. Il y a ainsi, depuis longtemps, une tradition de défense des faibles contre les puissants dans la région cévenole.
Des nues cévenoles seront aussi exposées. Ces photographies ont été prises dans l’usine désaffectée de Bessèges, que Lucien Clergue a transformé en atelier de photographie, où il anime des stages de photos de nus depuis vingt ans. Plus jeune il y a travaillé, il remplissait des camions de fromage. C’est un des anciens chauffeurs de l’usine qui vint le voir un jour pour lui annoncer qu’il avait convaincu le maire du village qu’il y aurait une exposition de ses photos ! « J’ai été piégé », s’amuse Clergue avec le recul. Aujourd’hui, rappelle-t-il avec fierté, « il y a un cours Lucien-Clergue à Bessèges, de 800 mètres de long ».
C’est à partir de ces nus que Clergue a réalisé des surimpressions, autre thème retenu pour l’exposition et dont il explique le procédé qui lui est propre dans cette émission. En l'occurrence, pour ces surimpressions exposées à Florac, il s’agit de portraits de femmes sur peintures Renaissance réalisées « sans Photoshop » dit-il avec humour et vérité, uniquement, précise Clergue, « avec mon film de 36 vues en couleur d’une femme que j’ai photographiée ». Il remet ensuite ce film dans son appareil et se rend au musée prendre des tableaux en photo. Sur le conseil de son galeriste Patrice Trigano, il est allé voir L’Ange aux ailes de papillon [tableau sur bois du XVIe siècle du peintre anversois Jan van Hemessen] au musée de Lille. Il se trouve, explique Clergue, que « ce sont les fesses de cette femme qui sont couronnées par cet ange et cette aile démesurée de papillon ». « C’est donc une spéculation que je fais, ajoute l’artiste. Je ne peux pas attendre que le film soit développé, je suis donc très attentif aux détails ».
Dernier thème retenu pour cette exposition : trois lithographies de Jean Cocteau, inspirées de photographies de son ami Lucien Clergue, pour la décoration de la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer. Cocteau y travailla en 1956, rendant hommage notamment aux Gitans des Saintes-Maries-de-la-Mer. Le poète s’est ainsi inspiré de photographies de gitans prises par Clergue, qui raconte : « Cocteau ne s’est pas gêné, il a vraiment décalqué les photos, et il a simplement habillé les Gitans en soldats d’Hérode ».
Pour en savoir plus
- Lucien Clergue sur le site de l’Académie des beaux-arts
- La page Lucien Clergue sur le site de sa fille commissaire d’exposition Anne Clergue
- Le site officiel de la ville de Florac en rapport avec l'exposition Clergue dévoile Florac
- Le site officiel du parc national des Cévennes