Les Primitifs italiens - La collection du musée d’Altenbourg
Redécouvrez les splendeurs de la pré-Renaissance italienne. Visite guidée de l’exposition par le conservateur du musée Jacquemart-André, Nicolas Sainte Fare Garnot qui en assure le commissariat. La collection d’Altenbourg est exceptionnelle : cette émission, réalisée par Krista Leuck, vous invite à découvrir l’Ecole de Sienne et celle de Florence, aux siècles des chefs d’œuvre.
_ Après le succès en 2000 de l’exposition consacrée aux collections des Primitifs Italiens rassemblées par Nélie Jacquemart, le musée Jacquemart-André présente cette fois la collection d’Altenbourg
Les PRIMITIFS ITALIENS réunie par le baron allemand Bernard von LINDENAU au XIXe siècle.
Cet homme politique et diplomate fut élu en 1817 à l’Académie des sciences pour ses travaux d’astronomie.
Par ailleurs, il se distingue comme amateur d’art éclairé et ouvre en 1848, dans sa ville natale d’Altenbourg, au sud de Dresde, une vaste demeure de style classique afin d’y exposer ses collections d’œuvres d’art et de favoriser l’accès du plus grand nombre à la culture.
Il s’agit d’une collection d’œuvres exceptionnelles de la pré-Renaissance et de la première Renaissance italienne, l’une des plus importantes collections de Primitifs italiens hors d’Italie.
Nicolas Sainte Fare Garnot nous fait l’amitié de nous guider à travers les huit salles.
Le parcours suit la chronologie des œuvres réparties entre l’Ecole de Sienne et l’Ecole de Florence. Elles vont des années 1280 jusqu’au début du XVe siècle.
L’Ecole de Sienne
Fin du XIIIe et début du XIVe siècles :
Dès le début du XIIe siècle, l’autonomie communale acquise par la ville de Sienne et le développement d’une activité commerciale de caractère international favorisent l’essor d’une école artistique bien affirmée.
Voici les principaux artistes sur lesquels Nicolas Sainte Fare Garnot pose son regard :
Deodato di ORLANDO, La Vierge à l’Enfant trônant entre deux Archanges, vers 1290-1300, où on sent nettement l’influence byzantine.
Pietro LORENZETTI – Christ de Pitié, un chef d’œuvre de la peinture siennoise.
Une Histoire du Christ par une des grandes figures de cette période,
Guido da SIENA (1270-1310). Six panneaux sur bois provenant de plusieurs collections et rassemblés exceptionnellement pour cette exposition au musée Jacquemart-André.
Une autre série de panneaux sur bois, un polyptique, par
Lippo MEMMI (1317-1347), beau-frère de Simone Martini aujourd’hui considéré comme un artiste d’égale importance.
Du même artiste Nicolas Sainte Fare Garnot a commenté plus haut la Vierge à l’Enfant.
Sienne, 1350–1400
Dans la seconde moitié du XIVe siècle, la personnalité d’Andrea VANNI se détache parmi ses contemporains. Ici un Saint François d’Assise, d’une remarquable austérité.
Autres ateliers aussi productifs tels ceux de Taddeo di BARTOLO ou Angelo PUCCINELLI répondent à une demande d’œuvres de dévotion toujours aussi forte, et accusent les caractères gothiques développés au début du XIVe siècle.
Quant à Paolo di Giovanni FEI, il peut être considéré comme un remarquable interprète du style gothique tardif qui fonde la tradition de l’école siennoise.
Sienne au milieu du XVe siècle
Des artistes comme Giovanni di PAOLO ont maintenu le style gothique international à son niveau le plus élevé. L’école siennoise connaît un tournant à partir du milieu du siècle et s’oriente vers des formules descriptives et un intérêt pour la réalité qui traduisent à la fois la connaissance et l’influence des innovations picturales apparues à Florence.
Parmi les artistes de cette période qui sont le mieux représentés dans la collection d’Altenbourg, Pietro di Giovanni di AMBROGIO apparaît comme le meilleur interprête de ce nouveau courant.
Giovanni di PAOLO (Sienne 1398-1482), La Vierge à l’Enfant, le Christ au Jardin des Oliviers, La Crucifixion, Lamentation sur le Christ Mort,
Pietro di Giovanni di AMBROGIO (Sienne 1410-1449), Le Départ de St. Augustin pour Rome, L’Entrée du Christ dans Jérusalem, La Naissance de St. Nicolas.
L’Ecole Siennoise à la fin du XVe siècle est représentée dans cette collection principalement par Liberale da VERONA (1445-1526/29) avec une Vierge à l’Enfant tout à fait exceptionnelle par son expressivité tendre et affectueuse de l’amour filiale.
L’Ecole de Florence au XIVe siècle
D’antique mémoire, Florence est une ancienne colonie romaine, détruite au Ve siècle par l’invasion des Ostrogoths. Comme Sienne, elle
connaît une « renaissance » à partir du XIIe siècle avec l’installation d’un pouvoir communal et le développement parallèle et de la banque et de l’industrie de la laine.
Dans la collection Lindenau, les premiers peintres florentins représentés appartiennent seulement au début du XIVe siècle, mais avec une série exceptionnelle de trois panneaux peints par Bernardo DADDI (1290-1348). Si ce dernier s’inscrit dans la mouvance de Giotto, on a depuis longtemps souligné son originalité, en particulier la puissance de son coloris, si sensible dans sa Crucifixion.
Appartiennent également à cette période Nardo di CIONE, avec un Saint Jean l’Evangéliste, vers 1360, et Agnolo GADDI peignant La Cène vers 1395, avec une verve narrative et un sens de la monumentalité et de l’espace tout à fait remarquables.
Hors catalogue, nous voyons dans l’exposition un Saint Jean l’Evangéliste de GIOTTO (1266-1336) appartenant à la collection de Nélie Jacquemart au musée de Chaalis.
Nicolas Sainte Fare Garnot nous explique la position exemplaire et dominante de cet artiste dans son siècle.
L’Ecole de Florence au XVe siècle
Autour des années 1400, Florence va connaître un double mouvement dans le domaine des arts :
D’abord l’apothéose du style gothique international avec Lorenzo MONACO (1391-1422), le Christ en Croix.
En parallèle se développe un courant novateur, avec le chef de file
MASACCIO (1401-1428), le Christ au Jardin des Oliviers.
Entre les deux, des peintres originaux comme
FRA ANGELICO (1395-1455) s’inspirent des théories nouvelles :
perception nouvelle de l’espace (La Preuve par le feu de Fra Angelico).
Il marque désormais la frontière entre le Moyen-Age et la Renaissance.
Nous quittons la collection d’Altenbourg des PRIMITIFS ITALIENS avec un dernier regard attentif sur un Saint Jérôme Pénitent par FILIPPO LIPPI (1405-1469) qui devient vite l’interprète favori des Médicis et incarne le modèle de l’artiste de son temps.
(Certains commentaires sont extraits du catalogue de l’exposition.)
Avant de quitter le Musée Jacquemart-André, Nicolas Sainte Fare Garnot nous consacre encore quelques minutes pour répondre à quelques questions concernant ces deux Ecoles de la pré-Renaissance et de la première Renaissance italienne :
- Peut-on proposer une définition des «Primitifs », italiens, ou une délimitation dans l’histoire de l’art ?
- Actuellement, l’art italien « primitif » semble très en vogue en France. Plusieurs expositions en attestent. D’où vient cet attrait pour les «Primitifs », italiens en particulier ?
Les «fonds d’or» italiens avaient été totalement négligés durant les siècles classiques !.
- Et comment cet « art ancien » , peut-il parler à la jeunesse aujourd’hui, d’autant qu’il s’agit d’un art religieux difficile à comprendre dans nos sociétés marquées par l’esprit laïque. Une jeunesse majoritaire parmi les auditeurs sur une radio internet.
A signaler à nos auditeurs la parution du CATALOGUE de l’exposition
Les PRIMITIFS ITALIENS, que l’on peut qualifier de superbe, avec un Avant-Propos de Jean-Pierre BABELON, membre de l’Institut et Président de la Fondation Jacquemart-André, ainsi que des préfaces de Bruno MONNIER, Président-directeur général de Culturespaces, et d’une contribution de Michel LACLOTTE, président-directeur honoraire du musée du Louvre sur les Primitifs Itaiens au XIXe siècle : une résurrection.
Pour en savoir plus :
- Le musée Jacquemart-André
- Musée Lindenau d'Altenbourg
- Musée Jacquemart-André
Les primitifs italiens. : La collection du musée d'Altenbourg collectif, éditions Fonds Mercator, 2009