L’Or noir de Jean-Jacques Annaud, membre de l’Académie des beaux-arts

En Arabie, deux émirs rivaux s’affrontent... La chronique cinéma de Gauthier Jurgensen
Avec Gauthier Jurgensen
journaliste

Adapté du livre d’Hans Ruesch, La soif noire - mille et une nuits d’amour et de combats dans une Arabie déchirée, le nouveau film de Jean-Jacques Annaud, met en scène la rivalité de deux émirs arabes après la découverte de gisements de pétrole. Situé dans les années 30, le roman Or noir raconte l’émergence difficile des pays arabes au travers de batailles épiques sous la chaleur du désert.

Émission proposée par : Gauthier Jurgensen
Référence : carr840
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Le 23 novembre, Jean-Jacques Annaud revient sur les écrans avec Or Noir, son onzième long métrage. Après l'accueil public et critique réservé à Sa Majesté Minor en 2007, le cinéaste retourne à ses grandes fresques, pour nous raconter la création des Etats arabes tels que nous les connaissons aujourd’hui : enrichis par le pétrole, dirigés par leurs traditions. La bataille sera menée par l’Espagnol Antonio Banderas, acteur fétiche d’Almodovar, le Britannique Mark Strong, le Français Tahar Rahim, plusieurs fois récompensé l’an dernier pour son rôle dans Un Prophète, et la belle Indienne Freida Pinto, qui nous avait séduits chez Woody Allen, dans Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Évidemment, pour mieux se comprendre, tout ce petit monde va parler anglais. C’est plus commode pour vendre le film à l’international, de toutes façons !



Nous sommes dans les années 30. Deux émirs, Amar et Nessib, se disputent le désert. Nessib accepte de faire la paix avec Amar s’il lui donne ses deux fils, Saleeh et Auda. Le plus âgé, Saleeh, sera sans doute un superbe prince. Redouté, juste et courageux, il épousera la fille du roi Nessib. Et puisque le plus jeune, Auda, semble aimer les livres, il n’aura qu’à s’occuper de la bibliothèque du palais.



La découverte de pétrole par des Américains, sur les terres jadis convoitées par Amar et Nessib, relance la guerre entre les deux émirs. Les deux princes, qui ont grandi, vont devoir choisir entre leur père naturel et leur père adoptif. Les soldats de Nessib abattent Saleeh qui tentait de rejoindre Amar. C’est alors que son frère Auda va surprendre tout le monde en montrant qu’il n’est pas le bibliothécaire qu’on voulait faire de lui.


S’en suit, bien entendu, un certain nombre de batailles épiques dans ce paysage sans merci qu’est le désert. Car c’est avec lui aussi qu’il faut batailler, lutter contre la chaleur le jour, le froid la nuit, les tempêtes, la faim, la soif… Mais on ne se bat pas seulement contre le désert, le sabre au poing, dans Or Noir. On affronte aussi la toute puissance de l’argent, on défie la mauvaise interprétation du Coran, on tente de faire un peu de place au progrès contre une société réactionnaire sans pour autant jeter bébé avec l’eau du bain. Car, comme le roi Nassib le comprend au début du film : à l’aube du XXesiècle, les pays Arabes ont du retard à rattraper.


Tout cela a des faux airs de Lawrence d’Arabie, penserez-vous ? Sans doute !
D’autant que Jean-Jacques Annaud est le réalisateur français le plus inspiré par le cinéma de David Lean. Comme lui, il emporte sa caméra en voyage pour nous faire découvrir de gigantesques paysages au centre desquels s’écrit l’Histoire, en subissant les contraintes de la nature. Ajoutons à cela que le glamour du casting est intact. On se souvient des yeux bleus électriques de Peter O’Toole qui contemplait l’horizon, pleins de fureur. On revoit également la silhouette d’Omar Sharif approcher lentement : d’abord un petit point au loin dont les contours s’affinent peu à peu, comme un mirage qui prend chair. Dans le film de Jean-Jacques Annaud, les hommes ne sont pas seuls à porter le récit, les femmes sont là, et bien là. Devant Or Noir, on tombe probablement cent fois amoureux de Freida Pinto, à chacune de ses apparitions, à chacun de ses plans. Claquemurée dans une chambre sombre ou dissimulée sous son voile intégral, elle regarde les hommes partir au loin, au grand air. Car, dans ce désert sans fin, il y a aussi un peu de place pour la romance.



Après Le Nom de la rose, Sept Ans au Tibet, Stalingrad et Deux Frères, Jean-Jacques Annaud semble avoir beaucoup flirté avec le grand cinéma d’Hollywood. Pour le meilleur, parfois, mais aussi pour le moins bon. On peut se fatiguer de la musique composée par James Horner, trop présente, soulignant à gros traits les situations. On peut aussi trouver que les seconds rôles indispensables tombent facilement sous les balles pendant que les héros ressuscitent par miracle quand ils sont touchés. Et puis, tout simplement, on peut se désintéresser de cette histoire qui, au fond, nous raconte l’émergence difficile de ces pays, mal à l’aise entre leurs pétrodollars et leur religion. Lawrence d’Arabie, lui, menait la révolution des peuples Arabes contre l’oppression turque. L’histoire racontée dans Or Noir n’a pas moins d’importance, mais on aimerait un peu plus de panache.

Jean-Jacques Annaud n’avait pas tourné depuis la disparition de Gérard Brach, son compère scénariste. Ensemble, ils avaient écrit cinq films. C’est avec Menno Meyjes qu’il cosigne l’adaptation du livre d’Hans Ruesch : La soif noire - mille et une nuits d'amour et de combats dans une Arabie déchirée, paru en 1957. Comme pour Deux frères et Sa Majesté Minor, c’est Jean-Marie Dreujou qui signe la photographie. Si vous aimez les grandes batailles à dos de chameau menées par de fiers princes arabes, le nouveau film de Jean-Jacques Annaud est fait pour vous. Car il réussit une fois de plus à mêler la grande tradition Hollywoodienne au folklore d’une culture pourtant très éloignée.


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