Louis Cretey, l’artiste sorti de l’oubli, présenté par Pierre Rosenberg

"Une oeuvre - un regard", avec Pierre Rosenberg, de l’Académie française, reçu par Krista Leuck
Avec Krista Leuck
journaliste

Pierre Rosenberg, de l’Académie française, présente ici Louis Cretey, exposé au Musée des Beaux-Arts de Lyon, dont ce peintre, l’un des plus grands du XVIIe siècle, est originaire. Il ouvre ainsi notre nouvelle série « Une œuvre – un regard » en nous présentant une toile de ce peintre méconnu qu’il qualifie de « surprenant, intrigant, étrange et attachant ».

Émission proposée par : Krista Leuck
Référence : carr745
Télécharger l’émission (21.71 Mo)

Pierre Rosenberg, qui fut président-directeur honoraire du musée du Louvre et qui est membre de l'Académie française depuis 1995, nous présente Louis Cretey, artiste majeur du XVIIe siècle, véritable découverte dont l’histoire de l’art peut s’enorgueillir. Il est, avec Aude Henry-Gobet, co-commissaire de la grande exposition que lui consacre le musée des Beaux-arts de Lyon.
De son temps, Louis Cretey n’était pas un artiste inconnu ; il reçut au contraire de grosses commandes. Il est donc d’autant plus surprenant qu’il soit tombé dans l’oubli durant plus de deux siècles. Grâce à quelques personnages, dont Pierre Rosenberg, mais également Gilles Chomer et Michel Descours cet artiste important peut aujourd’hui resurgir.

Louis Cretey, La vision de Saint Jérôme, Lyon, musée des Beaux-Arts


Il est maintenant acquis que Louis Cretey a produit une œuvre exceptionnelle qui était dispersée un peu partout et dont les attributions étaient tout sauf évidentes.
À l’origine de cette réhabilitation, un article monographique de 1988 publié à trois mains dans la Revue de l’Art par Pierre Rosenberg, Lucie Galacteros de Boissier et le regretté Gilles Chomer.

Le style de Louis Cretey, poétique et expressif, délicat en même temps que profondément dramatique, fait de ce peintre un visionnaire, un véritable précurseur de l’art moderne. Il présente une liberté et un fa presto assez typique de l’Italie.


Un peintre assez difficile à définir

Louis Cretey, Le Réfectoire restauré
Louis Cretey, né à Lyon vers 1645, séjourna à Rome entre 1663 et 1679. Après son retour à Lyon, il réalise le décor du réfectoire de l’abbaye Saint-Pierre qui abrite aujourd’hui le musée des Beaux-Arts

Dans le catalogue de l’exposition Pierre Rosenberg reprend une expression de l’abbé Jacques Pernetti en 1757 à propos de l’artiste : « assez difficile à définir ». "Et pourtant, commente Pierre Rosenberg, les œuvres de Louis Cretey se reconnaissent aisément. Les fronts fuyants de ses personnages masculins (le monde de Cretey est majoritairement masculin), leurs yeux globuleux et exorbités, tiennent lieu de signature... Ses hommes au crâne chauve, au nez busqué, aux orbites creuses et aux bouches entrouvertes font figure de marque de fabrique. Sa facture et son coloris le distinguent tout autant de ses contemporains".

Louis Cretey, Tobie enterrant les morts, Paris, collection particulière



"Cretey peint gras, son exécution est chargée, sa touche est libre et hardie. Il aime les empâtements bien apparents qu’éclairent de vifs éclats de lumière éparpillés sur la toile comme autant de coups de projecteurs. Cretey est au service de la peinture d’histoire, il ne peint jamais le quotidien. Son monde est celui de la Bible et des saints (en priorité de leurs martyrs) et de la mythologie. Un monde énergique, dynamique, dramatique et pathétique, un monde d’expressions outrées. Son monde est celui de l’imagination et de l’invention."


Une œuvre – un regard

Pierre Rosenberg inaugure notre série « Une œuvre – un regard » avec une toile choisie par lui dans l’exposition Louis Cretey Tobie et l’ange et qui a mis longtemps à trouver sa juste attribution.

Louis Cretey : Tobie et l’ange, © Tours, musée des Beaux-Arts



Jusqu’en 1975, cette œuvre fut simplement attribuée à l’école italienne avant d’être définitivement rendue à l’artiste par les auteurs de l'article monographique (1988).

Tiré du Livre de Tobie, le sujet est très répandu au XVIIe siècle. Son motif évoque la pêche à main nue du gros poisson dont le fiel guérira les yeux du père de Tobie.

Chez Cretey, nous retrouvons l'ambiance quasi rembranesque d'une œuvre qui appuie avec subtilité et poésie l’interprétation que l’on faisait du thème au XVIIe siècle.
Frêles et délicates, les figures de Tobie et de l’ange sont rehaussées de fines touches renforçant l’effet de vibration et le miroitement de la végétation. La composition de Cretey est empreinte de solitude, Tobie tout occupé à sa tâche ne se retourne pas vers l’ange. Il accentue en cela l’aspect irréel et l’intemporalité de l’épisode biblique en lui conférant une atmosphère poétique, voire rêveuse, tout à fait inédite.


Pour en savoir plus :

Aude Henry-Gobet, sous la direction scientifique de Pierre Rosenberg, Louis Cretey. Un visionnaire entre Lyon et Rome, Somogy Editions d’Art, 2010, 296 p., 38 €.

- Informations pratiques : Lyon, musée des Beaux-Arts, 20 place des Terreaux, 69001 Lyon. Tél : 04 72 10 17 40. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h, le vendredi de 10h30 à 18h. Tarifs : 9 € (tarif réduit : 6 €).

- Musique de l'émission : Marc Antoine Charpentier, Prélude pour le Magnificat, H533, Jordi Savall




Cela peut vous intéresser