Objet d’art : les chaises de Madame du Barry, née Jeanne Bécu
Les chaises peintes en gris ayant meublé le cabinet d’angle de Madame du Barry, sont ici présentées par Bertrand Galimard Flavigny qui relate le destin étonnant de Jeanne Bécu, comtesse Guillaume du Barry, née le 19 août 1743 à Vaucouleurs et guillotinée sous la Terreur le 8 décembre 1793, et qui fut la favorite de Louis XV, roi de France. Grâce à cette rubrique "Objet d’art", voici une belle histoire et un moment de l’Histoire !
Mme du Barry devint officiellement la maîtresse de Louis XV, le 22 avril 1769. Le roi décida de l’installer à Versailles dans un appartement qui jouxtait les siens, au deuxième étage du palais. Cet «appartement» avait été, entre septembre 1766 et le 13 mars 1767, date de sa mort, celui de la Dauphine, autrement dit la belle-fille du roi, et la mère des futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Cette princesse prénommée Josèphe, que l’on désigne parfois sous le nom de «Dauphine de Saxe», était la fille d’Auguste III, l’Electeur de Saxe et roi de Pologne qui avait épousé en 1747, celui qui devait rester dans l’histoire sous le nom de Dauphin (1729-1765).
Cet «appartement» qui était inoccupé depuis la mort de la Dauphine, avait été composé en empiétant sur la «Petite galerie des cabinets du roi». Il fut à nouveau décoré, à la hâte mais généreusement doré. Un mobilier «du meilleur goût parisien», disent les chroniques, fut commandé et réglé sur la cassette personnelle du roi. Six chaises peintes en gris, datées de 1769, portant l’estampille de Louis Delanois, destinées au Grand Cabinet d’Angle de Mme du Barry, ont été vendues, il y a quelques années, en octobre 2001, à New York par Christie’s, et en trois lots : le premier a obtenu 475 000 €, le deuxième la même somme et le troisième : 376 488 €.
Le journal de L. Delanois, reçu maître en 1761, indique que fut livré le 15 décembre 1769, pour 530 livres, un canapé et pour 1786 livres, «treize chaises oval en bois de noyer à pieds cormiers à double chassis, l’épaisseur des pieds de derrière de 3 pouces ½ , l’épaisseur de devant de 3 po. et la largeur du petit dossier et du ceinture 6à 7 po. et d’épaisseur 2 po. pour trouver les ornaments (sic) à 96 livres pièce». En fait le coût de la menuiserie s’élevait à 1326 livres. Il y fut ajouté la tapisserie : «satin blanc encadré de verd (sic) et brodé en soie».
Après la mort de Louis XV, en mai 1774, le mobilier qui ornait le salon de Mme du Barry fut déposé dans ses résidences, notamment à Louveciennes. Deux autres chaises de cette série de treize sont connues. La première conservée au château de Versailles, a été acquise le 3 décembre 1994, lors de la dispersion de la collection du baron Guy de Rothschild à Monaco, par Sotheby’s ; la seconde est toujours dans une collection privée.
On connaît d’autres meubles ayant appartenu à Mme du Barry, notamment une paire de fauteuils commandée à Foliot pour célébrer son idylle avec le roi Louis XV. Ils sont conservés par Jacques Garcia à Champ de Bataille.
l'incroyable destin d'une petit modiste !
La destinée de Jeanne Bécu qui était née en 1746 à Vaucouleurs, est connue. Contrairement à ce qu’avait lancé le pamphlétaire Mairobert, celle à qui son parrain Billard de Monceaux avait donné le nom de Mlle de Beauvanier, n’était pas pensionnaire de la maison de la rue Saint-Sauveur et des Deux-Portes, dirigée par Mme Gourdan. Elevée dans une maison bourgeoise puis dans un couvent, elle fut ensuite placée chez le coiffeur Labille, puis dans un magasin de modes de la rue Saint-Honoré. Sans sa rencontre avec Jean du Barry, elle serait sans doute devenue une bourgeoise élégante et cultivée. Frappé par sa beauté, du Barry résolut de «l’offrir» au roi, en espérant en tirer des bénéfices. Il maria la jeune femme à son frère Guillaume, qui vivait comme un croquant au fond de sa province et qui ne vit qu’une fois, la belle. Avec la complicité du duc de Richelieu, la comtesse du Barry fut présentée à la cour où elle fit le meilleur effet. Contrairement encore à ce que l’on a dit, Jeanne passait pour une femme de qualité. Sa beauté fit sensation, sa bonne humeur aussi.
Les portraits de Drouais et le buste de Pajou nous donnent une idée de ses traits : «Blonde, avec des sourcils et des cils noirs, des cheveux s’envolant en mèches folles, un née aquilin, de grands yeux demi-clos, un teint d’une pâleur-rosée, une gorge superbe, elle était d’une beauté pénétrante, que relevait encore le charme d’une apparence de candeur». Frivole, certes, elle ne s’occupa pas de politique, mais soutint ardemment les arts. Disgraciée après la mort de Louis XV, elle se retira à Pont-des-Dames, près de Meaux, puis à Louveciennes où elle mena une vie retirée avec le comte de Cossé-Brissac, recevant les plus beaux esprits du temps, notamment Beaumarchais. Effrayée par la Révolution, elle s’exila à Londres, mais eu la mauvaise idée de retraverser la Manche. Arrêtée, elle fut condamnée et exécutée le 8 décembre 1793. On lui a encore prêté une jolie phrase qu’elle aurait prononcée avant d’être précipitée sous l’échafaud : «encore un moment, monsieur le Bourreau !». Jacques Levron, son biographe rapporte qu’au contraire, sa mort fut atroce et que l’on entendit davantage un cri de souffrance.
Bertrand Galimard Flavigny.
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