Olivier Messiaen pédagogue
Olivier Messiaen n’était pas seulement un compositeur de renommée internationale, auteur de l’opéra Saint François d’Assise et de très nombreuses pièces instrumentales. Messiaen proposait aussi des cours d’harmonie et d’analyse très appréciés au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Parmi ses élèves figurent trois compositeurs majeurs du XXe siècle : Boulez, Xenakis et Stockhausen.
1941 : Olivier Messiaen se voit proposer le cours d'harmonie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSM). Il n'a que 33 ans, mais a déjà quelques compositions à son actif (notamment le Quatuor pour la fin du Temps et deux cycles d'orgue). Et surtout, Messiaen s'est déjà fait remarquer par un traité de théorie musicale très original : Vingt leçons d'harmonie, publié chez Leduc en 1939.
Cette liberté d'esprit de Messiaen séduit immédiatement les élèves du Conservatoire. «En général, explique Pierre Boulez, les traités d'harmonie vous donnent uniquement des recettes, il n'y a pratiquement pas de références à des textes musicaux. Messiaen voulait nous faire voir l'évolution de l'harmonie, nous montrer pourquoi certaines règles n'étaient plus nécessaires étant donné l'enrichissement du vocabulaire, etc. C'est cette méthode qui m'a le plus frappé, en particulier les références aux textes.» (propos recueillis par Jean Boivin dans son livre La classe d'Olivier Messiaen).
Messiaen enseigne aussi bien la musique modale du Moyen-Âge et de la Renaissance, que le Sacre du Printemps de Stravinsky, Pierrot Lunaire de Schönberg, Pelléas et Mélisande de Debussy... et présente même en classe les dernières compositions de l'élève Pierre Boulez !
La classe d'harmonie puis d'analyse de Messiaen se singularise par l'étude de la métrique grecque et les deçî-tâlas hindous, et l'écoute des «couleurs» musicales. C'est à partir de ces critères que Messiaen choisissait ses compositeurs fétiches : Debussy, Mozart, Berlioz, Stravinsky, Rameau et écartait Bach et Ravel, par exemple.
Assister à la classe de Messiaen, c'était aussi avoir l'occasion d'entendre le «maître» présenter ses dernières compositions. Chose qu'il fera de moins en moins à partir du milieu des années 50.
En 1966, il est enfin nommé «professeur de composition».
Plusieurs grands noms de la musique du XXe siècle ont été formés par Messiaen : Iannis Xenakis, Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen, notamment. Mais aussi : François-Bernard Mâche, Gilbert Amy, Tristan Murail, Daniel Charles, Serge Nigg, Jean Prodromides...
Messiaen s'est donc retrouvé à la croisée des chemins, à dépoussiérer l'enseignement du Conservatoire de Paris qui ne vénérait autrefois que Ravel et Debussy, et à introduire les musiques dodécaphonique et sérielle, concrète et électronique.
Messiaen a aidé des compositeurs de style très différents à prendre leur envol. Il ne leur a rien imposé. Lui qui avait une écriture si forte, si reconnaissable, il a laissé à ses élèves entière liberté pour explorer leurs propres univers. Au risque parfois de frustrer certains élèves, qui auraient aimé avoir des commentaires plus précis de leurs ébauches de composition et connaître les "ficelles" d'écriture de Messiaen.
A propos de Claude Samuel :
Le critique musical Claude Samuel a bien connu Olivier Messiaen. Le livre d'entretiens qu'il a réalisé avec le compositeur reste une référence pour comprendre la musique de ce musicien de l'après-guerre.
Claude Samuel supervise les célébrations du centenaire d'Olivier Messiaen en 2008, et notamment l'ouvrage : Messiaen, le livre du centenaire, paru aux éditions Symétrie en juin 2008.
Tous les renseignements sur le site web : www.messiaen2008.com
En savoir plus :
Dans cette émission, vous avez pu entendre deux extraits du Réveil des oiseaux d'Olivier Messiaen, composé en 1953, dans l'interprétation de la pianiste Yvonne Loriod, accompagnée par l'orchestre national de l'ORTF dirigé par Kent Nagano.