Atapuerca, sur les traces des premiers préhistoriens
Les découvertes exceptionnelles de ces trente dernières années provenant des sites préhistoriques de la Sierra d’Atapuerca, dans la province de Burgos en Espagne, illustrent le peuplement le plus ancien de l’Europe occidentale, entre 1 200 000 et 200 000 ans. Christophe Falguères, directeur de recherche au CNRS, vous livre ici les détails des fouilles qui se révèlent riches. Un musée entièrement dédié au site d’Atapuerca, est en construction en Espagne.
Situation géographique :
La sierra d’Atapuerca se trouve dans le Nord de l’Espagne, dans la province Autonome de Castilla y León, à 15 kilomètres de la ville de Burgos, enclavée dans les territoires communaux des localités d’Atapuerca et d’Ibeas de Juarros. Le système de grottes qui parcourt l’intérieur de la Sierra d’Atapuerca est connu et visité depuis longtemps. Mais les premiers gisements furent découverts à l’extérieur lors de travaux pour un ouvrage civil qui traversa la montagne. Il s’agit de la construction d’un chemin de fer minier, aujourd’hui abandonné, destiné à transporter du minerai jusqu’à la ville de Burgos pendant les dernières années du XIXe siècle. Il laissa une tranchée traversant des grottes inconnues jusqu’alors. Aujourd’hui, plusieurs de ces grottes sont de magnifiques gisements d’une importance mondiale.
On connaît aujourd’hui l’existence de 40 grottes dans le complexe karstique de la Sierra d’Atapuerca, et une grande partie de celles-ci ont un bon potentiel archéologique ou paléontologique.
les grottes d'Atapuerca
Grâce aux traces laissés par les hominidés et par la faune sauvage, il est possible d’étudier sur le site d'Atapuerca les changements climatiques qui se sont produits pendant le dernier million d’années, et qui ont affecté les écosystèmes, et influencé les hommes dans leurs activités, leurs technologies et, en dernier lieu, dans leur morphologie même.
Les sites de fouilles préhistoriques à Atapuerca
Les deux sites d’Atapuerca les mieux explorés sont Gran Dolina et la Sima de los Huesos.
À Gran Dolina, la découverte de plusieurs restes humains d’Anténéanderthaliens, Homo antecessor, daté entre 1 200 000 et 800 000 ans, revêt un caractère exceptionnel. Ce sont les plus anciens vestiges de la présence de l’Homme au Pléistocène inférieur en Europe occidentale.
Ils étaient associés à des ossements d’animaux consommés et à des outils en quartzite et en silex. C’est également sur ce site
que l’on trouve actuellement la plus ancienne trace de cannibalisme.
Le gisement de Gran Dolina est connu et reconnu dans le monde entier car on y a trouvé, vers la moitié des années quatre-vingt-dix, les fossiles humains les plus anciens d’Europe, qui ont été datés aux environs de 800 000 ans.
Dans les campagnes de fouilles de 1994 et de 1995, 80 restes humains ont été découverts, dans le niveau "TD6", qui appartiennent au moins à six individus différents, en plus de presque deux cent pièces d’industrie lithique.
L’ancienneté est importante, non pas que l’on ait battu un record, mais parce que l’idée que l’on avait de l’âge du premier peuplement en Europe se trouve modifiée substantiellement : de nombreux auteurs soutenaient que les premiers humains étaient arrivés sur notre continent il n’y a guère plus qu’un demi-million d’années.
Depuis 2003, on a découvert de nouvelles et importantes trouvailles en "TD6", qui ont porté jusqu’à 11 le nombre minimum d’individus représentés dans la collection de fossiles d’hominidés de ce niveau du gisement de Gran Dolina.
À la Sima de los Huesos, plus de 3 000 fossiles humains appartenant à un minimum de 32 individus constituent la collection la plus importante et la plus complète jamais rencontrée dans le monde au Pléistocène moyen (entre 500 000 et 200 000 ans).
Ils sont associés à des vestiges de la vie quotidienne et à un biface
de couleur rose, sans retouches d’utilisation, une offrande probable !
Une nouvelle espèce découverte : Homo antecessor, probablement cannibale
On sait peu de choses sur ces premiers hommes, mais suffisamment pour établir des comparaisons avec d’autres fossiles humains. La conclusion est que ces fossiles de Gran Dolina ne trouvent leur place parmi aucune des espèces fossiles connues. Une nouvelle espèce a donc été créée, sous le nom de Homo antecessor, proche de l’ancêtre commun des néandertaliens (Homo neanderthalensis) et de notre propre espèce (Homo sapiens).
Une autre question est de savoir ce que font les restes d’au moins onze individus à cet endroit, aussi bien des enfants que des adolescents et de très jeunes adultes. La réponse se trouve dans les propres ossements humains, qui montrent des marques de décharnement produites avec l’arête des outils en pierre taillée. Les ossements des herbivores du gisement présentent le même type de traces, et cela pour une même raison : les uns et les autres furent mangés par des êtres humains. Il s’agirait du premier témoignage de cannibalisme de l’histoire.
A la Sima de los Huesos, une trentaine d’hominidés ont été rassemblés il y a 400 000 ans ; ainsi s’est formé le plus grand gisement de fossiles humains jamais découvert. Le gisement se trouve au pied d’un puits de treize mètres de profondeur et à un demi kilomètre de l’entrée de la Cueva Mayor. Dans ce cas précis, le rassemblement de fossiles humains n’a pas été dû à un épisode de cannibalisme, mais au fait que d’autres humains ont déposé dans le gisement les corps de leurs morts. Il s’agit peut être de la preuve la plus ancienne d’une pratique funéraire.
La Sima de los Huesos, la Cueva Zarpazos, le niveau TD-6 de la Gran Dolina et le niveau TE-9 de la Sima del Elefante sont des gisements qui se caractérisent par leur contenu en restes fossiles humains correspondant à deux des lignées qui ont peuplé l’Europe pendant le dernier million et demi d’années, Homo heidelbergensis et Homo antecessor. Christophe Falguères revient en détail sur les caractéritisques Homo heidelbergensis, homme mesurant 1,85 mètres pour 100 kg de muscles !
Christophe Falguères évoque en fin d'émission l'ouverture prochaine en 2010 du Musée de l’Évolution Humaine (MEH) de la ville de Burgos. Il a comme but essentiel de diffuser et de promouvoir les découvertes d’Atapuerca en particulier, et de l’évolution humaine en général, dans ses aspects écologiques, biologiques et culturels. L’originalité du projet et le fait qu’il n’existe pas un musée équivalent dans aucun autre pays, en feront une référence mondiale.
En savoir plus :
Atapuerca. Site en espagnol et en anglais
Christophe Falguères