Créationnisme : quand défier l’évolution des espèces revient à la mode
Janvier 2007 : les écoles reçoivent "L’atlas de la création", une encyclopédie publiée en Turquie, qui valorise le créationnisme et démonte point par point la théorie de l’évolution de Charles Darwin. Présents aux Etats-Unis et en Australie, les créationnistes pensent que toute vie sur Terre est l’oeuvre de la main divine. Italie, Pologne Hollande, et France : le créationnisme fait son entrée en Europe depuis la fin des années 1990. Explications sur les fondements de ce courant avec Jacques Arnould.
_ Le créationnisme est la thèse selon laquelle la Terre, et par extension l'Univers, a été créée par un être suprême, Dieu. Il concerne les trois religions monothéistes: christianisme, judaïsme et islam.
Ce courant naît en 1860, en réaction contre les travaux de Charles Darwin et sa théorie de l'évolution. À cette époque, l'Eglise y voit une menace et se positionne jusqu'en 1961 (concile Vatican II) contre l’évolutionnisme de Darwin.
Il faut attendre le 23 octobre 1996 pour une reconnaissance officielle de l'évolutionisme, avec la déclaration du pape Jean-Paul II qui reconnaît que les théories de Darwin sont « plus qu’une hypothèse ».
Trois grands courants créationnistes se succèdent entre 1860 et aujourd'hui :
- (1860-1960) les créationnistes «purs et durs» : ils ont une lecture littérale de la Bible. Pour eux, la Terre est vieille de 6000 ans tout au plus et Dieu a créé l'Univers en 6 journées de 24 heures. Appelé également «créationisme terre jeune» ce courant n'a aujourd'hui plus aucun écho.
- (1960-1980) les créationnistes évolutionnistes : ce courant conçoit que l'origine de l'Univers et de la vie sur terre remonte à une longue période, mais il prend toujours en compte les récits de création dans la Genèse.
- (1990- ...) «l'intelligent design» ou dessein intelligent : Les créationniste d'aujourd'hui affirment que la théorie scientifique traditionnelle de l'évolution par voie de sélection naturelle ne suffit pas pour rendre compte de l'origine, de la complexité et de la diversité de la vie. Il s'agit d'admettre les preuves paléontologiques à propos d'une succession d'êtres vivants différents au cours des âges, mais de réfuter la prééminence de mécanismes naturels de l'évolution sans cause surnaturelle. Cette succession d'espèces serait le produit d'une « intelligence » supérieure.
Le courant créationniste est implanté aux Etats-Unis et en Australie. Il fait surface ponctuellement dans les pays européens depuis les années 2000 en Pologne, en Italie, en Hollande et en France :
En 2005, l'archevêque de Vienne Christoph von Schönborn s'est rapproché par ses propos, de l'Intelligent design.
En Pologne en 2006, le député et vice-ministre de l'éducation Miroslaw Orzechowski ainsi que l'eurodéputé Maciej Giertych ont remis en cause publiquement le darwinisme.
Quant à la Turquie, les thèses créationnistes apparaissent dans les manuels scolaires et 75 % des lycéens turcs ne croient pas à la théorie de l'évolution. Les expositions et les conférences créationnistes sont de plus en plus fréquentes.
En France, le courant a fait surface avec l'envoi en janvier 2007 de plus de 30 000 exemplaires dans les établissements scolaires, de L'atlas de la création. Écrit par Harun Yahya et publié par la maison d'édition Global d'Istanbul, il dit avoir une approche scientifique, tout en précisant que la réelle source du terrorisme est le matérialisme et le darwinisme.
Créationnisme et judaïsme
Le judaïsme présente un important éventail d'opinions sur la création, l'origine de la vie et le rôle de l'évolution dans celle-ci.
La majorité des courants théologiques du judaïsme contemporain, acceptent le créationnisme évolutionnaire ou évolution théiste. La tendance actuelle, à l'exception des mouvements plus orthodoxes, est de ne pas prendre la Torah comme un texte littéral, mais plutôt une œuvre symbolique et flexible.
Créationnisme et islam
Le créationnisme musulman existe aussi en Europe. L'intellectuel et universitaire controversé Tariq Ramadan serait un partisan du créationnisme à destination des musulmans. Il écrit dans une note de bas de page de son livre Les musulmans dans la laïcité:
« Les cours de biologie peuvent contenir des enseignements qui ne sont pas en accord avec les principes de l’islam. Il en est d’ailleurs de même des cours d’histoire ou de philosophie. Il ne s’agit pas de vouloir en être dispensés. Bien plutôt, il convient d’offrir aux jeunes, en parallèle, des cours de formation qui leur permettent de connaître quelles sont les réponses de l’islam aux problématiques abordées dans ces différents cours ».
A propos de Jacques Arnould
Jacques Arnould, dominicain, est spécialiste des rapports entre théologie et théories de l’évolution. Ingénieur agronome, docteur en histoire des sciences et en théologie, il est chargé de mission « sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales » au Centre national d'études spatiales (CNES).
Bibliographie :
Jacques Arnould a reçu le Prix La Bruyère 2004 (médaille d'argent) de l'Académie française, dans la catégorie Littérature et Philosophie, pour son ouvrage Les Moustaches du diable paru en 2003 aux Editions du Cerf :
En savoir plus sur :
- Le CNES
- Jacques Arnould
- L'auteur Harun Yahya et L'atlas de la création, encyclopédie créationniste