Culture intensive du soja : OGM ou pas ?
Déforestation, OGM, culture intensive, le monde selon Monsanto, dérèglements hormonaux… voilà ce qu’évoque le soja. Cultivé depuis plus de 2000 ans en Asie, sa consommation est toujours aussi controversée. Le soja destiné à l’élevage est-il le même que celui proposé aux consommateurs ? Est-il réellement l’un des principaux responsables de la déforestation amazonienne ? Cultivé en Amérique latine, est-il aussi important sur les autres continents ? Autant de questions qu’Émile Choné, membre de l’Académie d’Agriculture, aborde ici pour nous fournir un éclairage compétent.
Le soja dans le monde aujourd’hui est très majoritairement OGM et provient en majeure partie des Etats-Unis, d’Argentine et du Brésil. C’est notamment ce soja qui approvisionne l’élevage européen. Selon un rapport 2007-2008 sur la production totale de soja dans le monde, le soja est à 91% du soja OGM aux Etats-Unis, à 98% en Argentine et à 64% au Brésil. Il a bien sûr augmenté depuis.
Que signifie le terme « OGM » ?
« Le terme OGM signifie que l’on a transformé les variétés par une technique nouvelle de biotechnologie qui consiste à aller chercher un gène extérieur à la plante et à le greffer sur son patrimoine génétique. Donc le soja a été transformé pour un caractère particulier, celui de résister aux herbicides. Le soja OGM produit aujourd’hui est du soja résistant au Round-Up, herbicide mondialement connu qui détruit toute la végétation. Cette technique permet ainsi au soja de pousser et de rester « propre ». »
Comment le différencier du soja non-transgénique ?
« Il n’y a pas lieu de faire de distinction entre le soja transgénique et non-transgénique puisqu’il existe à ce jour une infime proportion de soja non-transgénique. Il faut au contraire se concentrer sur la consommation de viande dans les pays développés. La moyenne mondiale de consommation de viande est en moyenne de 43 kilos par habitant par an, aux alentours de 100 kilos pour les Etats-Unis, l’Europe et la France, de 63 kilos pour la Chine et de 15 kilos pour l’Inde, pays à très grosse majorité « végétarienne ». Les pays d’Afrique subsaharienne qui aspirent à manger plus de viande ne sont qu’à 10 à 12 kilos. Donc tout vient de tous ces écarts considérables entre la consommation de viande des pays développés et des pays en développement. »
Pourquoi remplacer les farines animales par du tourteau de soja ?
« Ce qui est apparu, ce sont des élevages intensifs de porcs et de volailles qui appellent à des aliments composés et qui font appel aux sources de protéines qu’elles viennent d’Europe ou d’ailleurs. Et depuis ces quarante dernières années, le Brésil et l’Argentine sont devenus progressivement les producteurs de ces compléments protéiques. »
Le soja n’est-il utilisé que pour sa protéine ?
« Pas seulement. Deux caractéristiques primordiales ont fait son succès : sa richesse en protéines (il a une teneur entre 45 et 50% alors que pour une ration animale, il faut environ 20% de protéines) et sa valeur énergétique qui est équivalente à celle du maïs. »
Le tourteau de soja est-il cultivé en Europe ?
« Le soja est extrêmement peu cultivé en Europe. Aujourd’hui, il n’y a plus de frontières entre les différents oléagineux. Depuis 1962, une concession a été faite par l’Union Européenne et la France pour indiquer que les graines oléagineuses et les tourteaux d’oléagineux pouvaient circuler dans tous les pays signataires de l’OMC sans droits de douanes. Donc c’est la compétitivité des différentes cultures qui fait le prix et l’entrée sur les marchés. »
Quels sont les principaux composants des aliments destinés au bétail ?
« Les farines animales ne sont pas les sources majeures en protéines, mais bien les tourteaux d’oléagineux : soja, colza, tournesol… Les principaux composants des aliments destinés au bétail sont : les céréales à 80%, blé et maïs et en complément les tourteaux d’oléagineux qui se situent aux alentours de 20%. »
La France dépend-elle du tourteau de soja ?
« La France n’est pas aussi dépendante du tourteau de soja que l’on pense car elle a une très forte production de colza et de tournesol destiné au biodiesel. Le biodiesel est devenu extrêmement important dans notre pays, donc cette production a permis d’améliorer son taux d’autosuffisance en matière d’aliments du bétail. »
Notre pays est-il le plus gros consommateur de viande en Europe ?
« Le pays qui consomme le moins de viande dans l’Union Européenne est la Lettonie (60 kilos/an) et celui qui en consomme le plus est l’Espagne avec près de 120 kilos par habitant et par an. La France est environ de 90%. »
Pourquoi le soja cultivé en Amérique Latine est-il synonyme de catastrophe écologique ?
« Le soja est une grande richesse pour le Brésil puisqu’il est devenu le principal fournisseur de l’Union Européenne en matière de tourteaux de soja. Ce qu’il faut savoir et c’est un amalgame qui est souvent fait, c’est que le soja est un faible responsable de la déforestation amazonienne. Sur 100% de soja produit au Brésil, 90% sont produits en dehors du bassin de la forêt amazonienne. Sur les 10% restants, il y a trois points qui sont importants de mentionner. Tout d’abord, une réglementation gouvernementale sur ce sujet a été instaurée puisque dans le biome amazonien, seul 20% du territoire ne peut être exploité sous forme d’agriculture. Deuxièmement, les industriels qui commercialisant le soja viennent de passer un accord avec les organisations non-gouvernementales telles que Green Peace pour interdire à leurs membres d’acheter du soja produit dans des conditions illégales dans le biome de l’Amazonie. »
« Au Brésil, l’agriculture de soja représente 60 millions de tonnes de graines de soja (une graine donne 80% de tourteaux) sur 20 millions d’hectares. Le soja brésilien est extrêmement performant. Il fait des rendements équivalents au soja des grandes plaines américaines. Et dernièrement, aucun engrais azoté n’est utilisé pour la production de soja, ce qui est très souvent méconnu, tout comme le fait que le soja ne laisse aucun grain de pollen puisque c’est une fleur fermé. C’est donc un facteur que l’on aimerait bien utiliser pour d’autres espèces. »
Cette émission fait l’objet d’une destinée à ceux et celles qui veulent améliorer leur approche de la langue française dans notre Espace Apprendre.
En savoir plus :
Emile Choné est membre de l’Académie d'Agriculture. Son domaine d’expertise est l’organisation de la filière des oléagineux, la transformation industrielle des oléagineux et des huiles végétales, le biodiesel et les oléagineux dans les pays d’Europe centrale et orientale.
Consulter le site de l'Académie d'Agriculture : http://www.academie-agriculture.fr/
Consulter la fiche d'Emile Choné : http://www.academie-agriculture.fr/membre_216.html