Energies du futur : les choix et les pièges
On estime que les réserves de charbon s’épuiseront d’ici 200 ans, celles de gaz naturel dans 100 ans et que nous viendrons à bout de notre pétrole en 2050… Parallèlement l’inquiétante augmentation d’émission de gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique nous pousse vers l’exploitation de nouvelles sources énergétiques « vertes ». Bois de chauffage, géothermie, ou encore hydrogène. Bernard Tissot nous donne les détails des énergies du futur.
Cette émission a été enregistrée en avril 2008.
Il semble à première vue que l’épuisement des ressources fossiles nous pousse irrémédiablement à devenir plus écologiques. Mais cette embellie ne semble pas pour tout de suite ! La Chine, les Etats-Unis et même l’Allemagne construisent en effet actuellement des centrales à charbon.
Pourquoi ?
Si cette ressource fait partie des énergies fossiles épuisables, elle demeure encore en bonne quantité sous nos pieds. Par ailleurs, les cartographies répertoriant les mines de charbon sont assez inexplicablement peu tenues à jour. On mise donc sur la découverte de nouveaux gisements… On estime l’épuisement de cette ressource d’ici 200 ans, mais ceci dépend tout à la fois de notre consommation et des découvertes ou non d’autres mines.
Ajoutons à cela que le charbon est l’énergie qui émet le plus de CO2 dans l’atmosphère, soit le plus d’émissions de gaz à effet de serre… Finalement, les bouleversements climatiques et la pollution semblent bien loin des considérations politiques et économiques…
Pour remédier à cette inquiétante teneur de CO2 toujours grandissante dans l’atmosphère, de grandes firmes pétrolières réalisent actuellement des essais de capture de CO2 pour l’injecter sous terre. Pour obtenir des résultats, il faudrait d’ici 2050, en injecter entre 10 et 20 milliards de tonnes par an. Mais cette pratique reste très couteuse. Surtout, les précautions à prendre sont telles que les possibilités restent limitées : en effet le CO2 doit être injecté dans des lacs souterrains très profonds, aux parois non calcaires. Dans le cas inverse, le CO2 dissolvant cette roche provoquerait à terme d’immenses glissements de terrain.
Le gaz réinjecté sous terre pourrait-il redevenir carbone, et donc de nouveau, source d’énergie ?
Non répondent les scientifiques, car sous terre serait injecté non seulement du CO2 mais aussi tous les autres gaz qui restent piégés dans l’atmosphère. Il est impossible de dissocier tous ses gaz pour les réinjecter séparément. Or pour faire du carbone, il faut du CO2 pure.
La meilleure solution semblerait-il, serait de diversifier nos énergies, et si possible, renouvelables et vertes !
Les autres sources d’énergies :
- Les centrales nucléaires : Elles restent un moyen sûr de source d’énergie électrique, même si le problème de gestion des déchets n’est toujours pas résolu (En France 75% de notre énergie électrique est d’origine nucléaire). Autre point faible : l’impossibilité du stockage de cette énergie, qui oblige à tous les pays producteurs de conserver des centrales au gaz et au charbon.
- L’hydroélectricité : Cette énergie représente 15% de notre énergie en France, une source non négligeable. Mais France s’est équipé au maximum, cette ressource est a son maximum. Ailleurs, il reste toujours difficile de convaincre une population de quitter son village, et les sites sont souvent éloignés de la demande la plus forte.
- Les éoliennes et l’énergie solaire (photovoltaïque) : La France s’étant fixé pour objectif d’atteindre les 21 % d’énergies renouvelables d’ici 2010, l’éolien se développe rapidement sur notre territoire. Le photovoltaïque reste encore peu développé en France, mais il est devenu courant en Allemagne. Le grand intérêt de ces deux énergies réside dans le fait qu’elles sont à la fois vertes et renouvelables. Mais leur caractère intermittent (les éoliennes ne fonctionnant pas lorsque le vent est trop faible mais aussi inversement lorsque le vent est trop fort) font des ces énergies intermittentes un appoint intéressant, mais qui ne peuvent pas remplacer à elles seules une centrale nucléaire.
- La géothermie : En France, cette énergie renouvelable s’est développée dans les années 70 au moment de la flambée du prix du pétrole. Elle est de nouveau très étudiée pour équiper l’habitat. Il s’agit de faire chauffer sa maison par un système d’air puisé en sous-sol qui garantit 8°c dans la maison (aussi bien en été qu’en hiver). Cette source fait office de climatisation naturelle l’été, et garantit au moins 8°c l’hiver, ce qui permet de réaliser des économies d’énergie. La plus ancienne installation en France est celle de la Maison de la Radio, à Paris, qui fonctionne depuis 1961 à partir d'un puits unique alimenté par l'aquifère de l'Albien. Le fluide géothermal est puisé à 500 m de profondeur et sa température s'élève à 27°c.
Et pour les énergies de transport ?
Le problème de l’énergie n’est à ce stade que bien partiellement résolu. En effet 70% de notre consommation en pétrole est utilisé exclusivement pour les transports. Par quoi remplacer notre carburant ?
- Le biocarburant : Nombreux sont les scientifiques à déclarer que cette solution est une impasse. Outre le coût énergétique supérieur à la production d’un litre d’éthanol, la totalité des terres cultivées ne suffirait pas en 2030 à faire fonctionner le parc des véhicules dans le monde, le tout au détriment de l’alimentation des 9 milliards d’habitant que nous seront.
- La biomasse : Une solution intéressante pour Bernard Tissot. Concrètement, il s’agit de relancer la plantation d’arbres, de les couper et d’accélérer le phénomène de fermentation pour en faire ensuite des biocarburants. Non seulement le reboisement participerait à la capture du CO2 par le biais de la photosynthèse, mais cette énergie verte n’émietterait pas de gaz à effet de serre. En Allemagne, la chancelière allemande Angela Merkel a inauguré le 17 avril 2008 l’inauguration de la raffinerie de la société Choren, unique au monde à Freiberg où 18 millions de litres de biodiesel pourraient y être produits chaque année à partir de copeaux de bois, de lait de l’industrie agroalimentaire, de la paille ou encore de la mauvaise herbe.
Cependant, des spécialistes émettent des réserves. La raffinerie reste très couteuse et la fiabilité de ces carburants na pas encore été totalement prouvée.
- L’hydrogène, avec l’utilisation de la pile à combustible : Cette pile n’apparaîtra qu’à titre expérimental que dans les années 2030-2050. L’hydrogène est déjà envisagé pour faire voler les avions.
Début 2008, la société d’aéronautique américaine Boeing a annoncé avoir fait voler pour la première fois en Espagne un avion propulsé par une pile à hydrogène (mais pas pour le décollage). L’avion a volé pendant 20 minutes à une vitesse de100km/h. L’utilisation d’une pile à combustible comme énergie principale pour les avions de grande taille n’est pas planifiée pour ces prochaines années, l’utilisation de l’hydrogène posant encore de nombreux problèmes de production, de stockage et de rentabilité économique.
- L’électrique : Bernard Tissot pense que l’énergie électrique, qui fut un cuisant échec dans les années 1990 dans les transports, pourrait faire un retour en force, avec les progrès nécessaires à une plus grande autonomie. Le développement des transports en commun (bus, train, tramway) sera aussi la règle
Écoutez sans plus tarder les explications de Bernard Tissot dans cette émission.
Bernard Tissot est membre de l’Académie des sciences. Après avoir travaillé à l’IFP, Institut Français du Pétrole, il est depuis 1994 Président de la Commission nationale d’évaluation des recherches sur la gestion des déchets nucléaires. Il a dirigé le rapport Energie 2007-2050 les choix et les pièges de l'Académie des sciences.
En savoir plus :
- Bernard Tissot, membre de l'Académie des sciences->http://www.academie-sciences.fr/academie/membre/Tissot_Bernard.htm], [membre de l'Académie des technologies
- Rapport de l'Académie des sciences Énergies 2007-2050 : le choix et les pièges
Bernard Tissot est l'auteur de deux ouvrages sur les conséquences écologiques de l'exploitation des énergies fossiles :