Faut-il sacraliser le principe de précaution ?
Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux répond aux interrogations que suscite la Charte de l’Environnement.
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Après un an d'intenses débats, l'Asemblée Nationale a adopté en juin 2004 l'inscription dans la Constitution du principe de précaution, principale innovation de la Charte de l'Environnement... mais aussi la plus controversée. Pour les défenseurs du projet, il doit inciter les pouvoirs publics à faire preuve de prudence et à poursuivre les recherches en cas d’incertitudes scientifiques sur les conséquences de projets potentiellement dangereux. Ses opposants y voient au contraire un risque de procès à répétition, source in fine de paralysie pour l’innovation et la recherche.
Le principe de précaution est-il une fin en soi ? Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux, professeur de droit répond.
Rappel :
La charte de l'environnement, texte adossé à la Constitution, a suscité un vif débat sur deux points essentiels : le principe de précaution et le principe pollueur-payeur.
Fondée sur les propositions de la Commission présidée par le Professeur Yves Coppens (membre de l'Académie des sciences), la Charte de l'environnement consacre une troisième génération de droits et devoirs constitutionnels, aux côtés des droits civils et politiques consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des droits économiques et sociaux reconnus par le préambule de la Constitution de 1946.
Le préambule de la Constitution de la Ve République a donc été modifié pour la première fois depuis 1958, pour être ainsi rédigé :
«Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale (...) ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2003» . La Charte consacre en premier lieu «le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé» , principe qui figure désormais dans le “bloc de constitutionnalité” auquel se réfère le Conseil Constitutionnel pour censurer, le cas échéant , les lois qui contrediraient ce principe.
Parmi les différents articles de la Charte, le principe de précaution (article 5) a fait l'objet de polémiques au sein de la commission Coppens. Le texte affirme en effet que «les autorités veillent, par application du principe de précaution, à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d'éviter la réalisation du dommage ainsi qu'à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques encourus». Les scientifiques représentant les Académies de médecine et des sciences avaient opposé un refus total à l'inscription du principe de précaution dans la Charte, au motif que cela risquait «de constituer un frein à toute innovation».
Finalement, le principe de précaution a pu être inscrit à la demande express de Jacques Chirac, contre l'avis de sa majorité, et d'une partie de la communauté scientifique, qui préférait inscrire un principe d'anticipation dans la Charte.
En savoir plus sur :
- Jean Foyer, membre de l'Académie des sciences morales et politique
- La Charte de l'Environnement
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