La migration des oiseaux : un mystère qui commence à livrer ses secrets
Hirondelles, cigognes, bécasses... Nous avons la chance en France d’être un formidable terrain d’observation des oiseaux migrateurs qui s’offrent des escales avant d’arriver à bon port. Yves Ferrand nous explique les raisons de la migration des oiseaux et comment ils parcourent inlassablement le même chemin depuis près de 10 000 ans, certaines espèces réalisant des trajets de près de 10 000 km. Un voyage passionnant auquel vous invite notre invité dans cette nouvelle émission en coproduction avec l’ONCFS (Office national de la Chasse et de la Faune sauvage).
Un flux migratoire est un déplacement d’une aire de reproduction vers une aire d’hivernage, sous forme de cycles annuels. Beaucoup d’espèces animales migrent : les poissons (saumon), les insectes (comme le papillon monarque), et les oiseaux également.
C’est chez nos amis à plumes que le phénomène de la migration a suscité peut-être le plus d’interrogations. Et les hypothèses étaient encore parfois plus mystérieuses que le phénomène de la migration lui-même ! Au XVIIe siècle par exemple, les scientifiques expliquaient la disparition hivernale des hirondelles par leur envasement temporaire dans les marais... « Comme les hirondelles ont pour habitude de se retrouver dans les marais avant de disparaître du jour au lendemain, l’explication la plus évidente consistait à dire qu’elles pénétraient dans la vase.
D’autres personnes pensaient que les oiseaux hivernaient sur la lune, d’autres encore que certaines espèces se transformaient, comme le rouge queue dont on disait qu’il se transformait en rouge-gorge le temps de l’hiver » nous raconte Yves Ferrand.
Pour comprendre les origines de la migration, il faudrait, selon les dernières hypothèses, remonter à plusieurs millénaires, aux périodes glaciaires et plus loin encore, à l’ère correspondant à la dérive des continents ; des facteurs qui auraient poussé les oiseaux à se déplacer pour trouver des zones plus hospitalières.
« Autre hypothèse qui ne contredit pas la première mais qui la compléterait : une partie de la population d’une même espèce, plus curieuse se serait mise à explorer d’autres espaces, amorçant ainsi peu à peu des mouvements annuels, sur des sites où la nourriture est plus riche. Car au sien d’une même espèce, vous avez des individus qui sont sédentaires et d’autres migrateurs. C’est le cas de la bécasse des bois, dont une partie niche dans les forêts du bassin parisien et l’autre niche au delà de l’Oural, revenant uniquement en France pour hivernage ».
Quant aux éléments déclencheurs de la migration, ils sont liés aux conditions climatiques : la diminution de l’ensoleillement selon les saisons sera le facteur déclencheur de départ pour partir hiverner vers des cieux plus cléments. La raréfaction de la nourriture entre également en ligne de compte. C’est un mécanisme de survie qui se met en place.
Pourtant, la migration en elle-même est très risquée. Moins de la moitié des hirondelles arrivent à faire l’aller retour sans périr . « La migration est quelque chose d’épuisant. Mais le risque pris par l’oiseau est inférieur à celui qu’il aurait pris en restant sur place ». Ainsi se met en place un mécanisme de sélection des individus les plus robustes. Ensuite, selon les espèces, les mâles dominant laissent partir en premier les mâles subordonnés pour éviter de partir trop tôt et risquer de périr dans des conditions climatiques encore austères.
Mais comment les oiseaux arrivent-ils à se repérer dans leurs trajets parfois longs de 10 000 km comme c’est le cas de la sterne arctique ?
« Voilà un mystère qui nous interroge encore ! Mais nous savons désormais que trois éléments peuvent les guider : le champ magnétique terrestre, les repères astronomiques fixes comme le soleil et l’étoile polaire la nuit pour oiseaux de l’hémisphère nord. Comme les avions, ils ont un plan de vol et apprennent certainement à repérer ces points fixes dans leur jeunesse. Enfin, s’il y a de l’acquis, il y a aussi très certainement de l’inné : les oiseaux sont en quelque sorte programmés pour le plan de vol. C’est par exemple le cas du coucou qui migre seul en Afrique. C’est très clairement le code génétique qui détermine le plan de vol ».
Yves Ferrand pour sa part s’intéresse plus particulièrement à la bécasse des bois et à la bécassine. Des espèces qui englobent tous les spectres de migrations. Certains individus sont sédentaires, d’autres migrent et nous viennent de la Scandinavie. La plupart font des haltes migratoires quand d’autres traversent l’Europe et parcourent 3000 à 4000 km sans halte !
Pour suivre ses populations, le système de baguage est encore utilisé. Mais l’outil devient limité pour travailler finement sur les phénomènes de migration. Ce sont désormais les balises Argos et GPS qui sont utilisées pour définir les modèles de déplacement des oiseaux. Les scientifiques restent cependant limités par questions d’ordres pratiques car les balises Argos sont trop encombrantes pour de nombreux oiseaux et le GPS nécessite de récupérer la balise sur le dos de l’oiseau une fois le trajet accompli, ce qui n’est pas une mince affaire...!
« Ces nouveaux outils nous permettent cependant d’obtenir une vision générale des trajets avec le temps des haltes migratoires. Nous suspectons également des phénomènes de migration en boucle où le chemin aller diffère du chemin retour, impossible à voir jusqu’à présent avec le baguage ».
L’équipe d’Yves Ferrand travaille sur les oiseaux migrateurs dans le cadre d’une coopération internationale avec les chercheurs russes et les pays africains.
« Le plus dur, c’est d’avoir un même niveau de connaissance sur une même espèce. Nous travaillons depuis 15 ans avec les Russes qui au départ n’accordaient que peu d’importance à la bécasse, oiseaux qu’ils ne rencontraient qu’assez peu puisque toujours en migration. Désormais c’est une coopération qui fonctionne très bien. Quant à certains pays d’Afrique dont on se doute qu’ils ont d’autres priorités, nous les aidons au comptage des individus ».
Yves Ferrand est Responsable scientifique du réseau Bécasse du CNERA (Centre Nationaux d’Etudes et de Recherches Appliquées) Avifaune Migratrice à l’ONCFS.
- Cette émission est coproduite par Canal Académie et l'ONCFS à l’occasion du quarantième anniversaire de l’Etablissement public.
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- Écoutez le premier CD enregistré par les sonneurs de l’ONCFS :
Particularité culturelle française indiscutable, la trompe de chasse bénéficie d’une image prestigieuse qui dépasse les seules frontières cynégétiques et rayonne à travers l’ensemble du patrimoine national.
En 1985, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) créait sa propre formation de sonneurs, rejoignant ainsi la Garde Républicaine et l’Office National des Forêts, seules institutions à posséder une formation de sonneurs.
Constitué d’agents de l’établissement en poste dans les services déconcentrés, le groupe des Sonneurs de l’ONCFS est régulièrement associé aux cérémonies du monde cynégétique comme aux événements qui rythment la vie de l’établissement public. A l’occasion du quarantième anniversaire de l’ONCFS, Jean-Pierre Poly, Directeur général, a proposé aux sonneurs de réaliser leur premier enregistrement.
Le résultat, un répertoire musical riche et varié, composé de quarante-quatre fanfares, intitulé : Les échos de la chasse et de la faune sauvage.
Pièces traditionnelles et inédites se succèdent tout au long de ce disque, qu’il s’agisse d’airs de chasse ou de fantaisie. Un bel hommage rendu à la trompe de vénerie par des sonneurs passionnés, destiné aux connaisseurs comme aux amateurs.
« Les échos de la chasse et de la faune sauvage »
CD de 44 fanfares (15 € + 2,50 € de port).
Commandez en ligne sur www.oncfs.gouv.fr
En savoir plus :
- Yves Ferrand, La bécasse des bois, histoire naturelle, éditions Effet de lisière, 2009
- Atlas des oiseaux migrateurs, sous la direction de Jonathan Elphick, éditions Bordas, 1996
- Philippe Dubois, Elise Rousseau, La France à tire d'aile, éditions Delachaux et Niestlé, 2005