Le catholicisme tolère la crémation depuis 1963
La crémation se développe aujourd’hui en France et mérite que l’on aille voir aussi du côté des « grandes civilisations » pour comprendre le regard qu’elles ont porté sur elle. Quel est le statut du corps ? Ce corps doit-il rejoindre la terre ou bien peut-il accepter l’incinération ? Que disent les sagesses accumulées par d’autres civilisations ? Dans notre série consacrée à cette question, est ici analysée la position de l’Eglise catholique avec l’historien Philippe Levillain, de l’Académie des sciences morales et politiques, spécialiste du catholicisme contemporain. D’autres émissions envisageront la position de l’Egypte antique, du Japon, etc...
Pour nous expliquer cette question de la crémation dans le catholicisme contemporain, nous recevons Philippe Levillain, professeur d’université, éminent historien du catholicisme, de Vatican II, des évêques de France et de la papauté. Il a dirigé le Dictionnaire historique de la papauté (2006) et a publié, en 2010 Rome n’est plus dans Rome (sur la crise intégriste). Depuis le 19 decembre 2011, il est membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
Deux décrets méritent notre attention si nous voulons comprendre la position de l’Eglise Catholique sur la crémation. Philippe Levillain les explique ici, et les remet dans leur contexte.
- Par le décret du 19 Mai 1886 à la question « est-il permis d’ordonner que son propre corps ou ceux d’autrui soient brûlés ? » la question (confirmée par le pape) est « non ». C’est la première fois que le magistère se prononce sur ce rite mortuaire. Il faut dire qu’en 1876 eut lieu, à Milan, la première crémation moderne et que les « francs-maçons » et les « libres penseurs », tous farouchement anti-catholiques, militent pour la crémation. Ajoutons à cela un contexte de condamnation par les catholiques de la franc-maçonnerie à partir de 1738 (avec Clement XII) jusqu’à Léon XIII (Humanum genus, 1884).
- Le décret du 5 juillet 1963 (De cadaverum crematione) tolère la crémation tout en indiquant que « l’Eglise a toujours voulu encourager la pieuse et constante coutume d’ensevelir les corps des fidèles ». Car, est-il dit, « l’incinération du corps ne touche pas à l’âme et n’empêche pas la toute puissance de Dieu de rétablir le corps, de même elle ne contient pas en soi une négation objective de ces dogmes ». Dès lors l’Eglise « n’est pas opposée et ne s’oppose pas à l’incinération ». Et en conclusion du document il est dit que « l’esprit de l’Eglise est étranger à la crémation »
Que faut-il penser de ces évolutions de l’Eglise ? Quid de la crémation dans son contexte catholique ? Philippe Levillain nous aide à répondre à ces questions.
L'invité: Philippe Levillain.
Ancien élève de l'École Normale supérieure (Ulm, 1961-1965), Philippe Levillain est agrégé d'histoire depuis 1965. En 1966 et 1967 il poursuit ses études à l'Université de Harvard avant de revenir débuter sa carrière comme assistant (1967-75), puis maître-assistant (1975-81) en histoire contemporaine à l'université de Paris X-Nanterre. De 1977 à 1981, il est détaché comme Directeur des études en histoire moderne et contemporaine à l'Ecole française de Rome (Italie), période au cours de laquelle il obtient un doctorat ès Lettres en 1979. Il reprend ensuite son enseignement comme Professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris X-Nanterre en 1981, dont il est professeur émétite depuis 1986. Philippe Levillain est également producteur délégué de l'émission les Lundis de l'histoire à France-Culture depuis 1982, Membre de l'Institut universitaire de France (IUF) depuis 1998 et Membre du Comité pontifical des sciences historiques depuis 2003. Il a été élu le 19 décembre 2011, dans la section Histoire et Géographie, au fauteuil laissé vacant par le décès de Pierre Chaunu.
Damien Le Guay
- Précisons que Damien Le Guay, philosophe, vient de faire paraître La mort en cendres , aux éditions du Cerf (octobre 2012), réflexion sur ces questions de la crémation aujourd’hui en France. Ecoutez-le dans l'émission : Pourquoi la crémation se développe-t-elle aujourd’hui ?